Nous regardons les terres vietnamiennes du haut de notre petit avion (ne nous mentons pas, il est rikiki), il y a plein de parcelles de terre, vertes, oranges ou marrons, pas mal d’eau suite au typhon, et quelques maisons sont réparties à droite ou à gauche sur des hectares entiers. En provenance de Tokyo ou même de Canton, la différence est notable. C’est fini les grandes mégalopoles, pour un moment.
Nous avons un sourire rêveur à ce moment là sur nos visages, plus qu’à tout autre endroit. Nous sommes émus. C’est ce Vietnam qui nous a accueilli il y a un peu plus de deux ans pour une fantastique aventure en plein Mékong !
Ce Vietnam, le seul pays qui ne nous était pas inconnu au départ. Nous connaissons deux-trois mots de la langue, la monnaie (27 000 dong pour 1 euro ! 37 euro pour 1 million ! je savais que un jour on serait millionnaire…), nous connaissons les habitants, leurs habitudes de vies et les spécialités culinaires. Cela joue beaucoup sur notre état d’esprit car l’arrivée dans un nouveau pays de notre parcours est toujours déstabilisante. Il faut à chaque fois tout revoir et tout reconstruire. Nous sommes même étonnés des différences qu’il peut y avoir en seulement cinq cent mètres sous prétexte qu’une frontière sépare deux peuples. Nous devons aussi à chaque fois nous remettre du pays précédent que l’on vient de quitter non sans difficultés après quatre semaines de vie. Il faut bien trois semaines pour se plaire dans un pays. Avant, on essaye de comprendre le fonctionnement, après, c’est comme si on était chez nous.
Aujourd’hui avec le Vietnam c’est différent… c’est un peu comme rentrer à la maison… Alors c’est émouvant.
Émouvant aussi car nous nous souvenons de phrases lancées en l’air il y a huit mois « Oh là là, le Vietnam, qu’est-ce que c’est loin ! » « Une fois là bas, sur douze mois de voyage, il ne nous en restera plus que quatre ».
Et puis, comme si l’on avait caché un trésor dans ce pays il y a deux ans, nous étions aujourd’hui, dans quelques minutes, au passage des douanes, prêts à le redécouvrir… l’idée de faire notre tour du monde a germé ici.
Alors malgré les quelques critiques que peut essuyer ce pays (il y en a toujours de partout), dans cet avion, nous sommes prêts à vivre de superbes aventures au Vietnam une fois de plus, quoi qu’il se passe. C’est sûr, cela va être super !
Passage de douane ultra efficace et arrivée à l’hôtel de Hanoï, la capitale, sans encombre. Notre chambre a des allures de suite, quoi qu’elle ne coûte que douze euro. Bienvenue en Asie du Sud !
Nous ouvrons vite notre fenêtre donnant sur rue et le spectacle tant attendu prend enfin forme. Le Vietnam n’a donc pas changé, ouf, soulagement. Nous nous précipitons dehors, après avoir rapidement enfilé T-shirt, short et tong (enfin c’est l’été), pour observer de plus près. Des centaines et des centaines de scooters défilent dans la rue à seulement un mètre de nous. Casques à vélo sur la tête pour certains, pour d’autres, rien, la jeunesse souriante défile sous nos yeux. Des coups de klaxons retentissent par dizaines de paquets de dix créant au final un son quasi continu. Les scooters viennent de tous les côtés, à droite, à gauche sur la voie de droite, oh lui il fait marche arrière à gauche, c’est l’anarchie totale ! Un japonais ferait probablement une crise cardiaque face à ce spectacle. Pendant ce temps, dans ce beau bazar, une femme avec sa charrette en bois remplie de fruits circule à deux à l’heure, l’air de rien, au milieu de la route en fixant le ciel tandis qu’une trentaine de scooter lui frôlent l’épaule. Et nous, bouche bée, nous sommes plantés devant un feu de signalisation pour piéton ! Réflexe nippon ! Le petit bonhomme va-t-il passer au vert ? La réponse est non. On s’en souvient maintenant. Le feu clignotera rouge comme pour t’indiquer « attention piéton, tu ne devrais peut-être pas traverser mais tente ta chance quand même si tu veux ». Au Vietnam, il faut prendre son courage à deux main et se frayer un chemin parmi les véhicules roulant à toute vitesse. La première traversée ne fut pas facile ni une réussite. Ils sont trop nombreux à notre goût : trente de front et trente par derrière que nous n’avons pas vu venir. Klaxon. Attention toi ! La deuxième traversée fut presque parfaite comme si nous étions d’ici. Le secret est de marcher tout-tout doucement pour laisser le véhicule te voir et modifier légèrement sa trajectoire, ne jamais courir mais ne jamais s’arrêter. Cela a beau être réussi et dépaysant comme traversée, on se dit que quand même c’est vraiment dangereux ce cinéma !
Mais on rigole du spectacle et ce premier soir à Hanoï nous le passerons assis sur un banc au bord du lac de la vieille ville à observer simplement la vie, une activité qui peut prendre beaucoup de temps ici, de quoi occuper pas mal de personnes, vous savez le monsieur que vous croisez le matin au rebord de sa fenêtre et que vous re croisez dans la même position le soir. La valse des scooters de Hanoï, drôle de nom que je donne pour une telle anarchie, est fascinante. Valse assourdissante aussi, de quoi vous donner un sale mal de crâne, elle est ce qui nous aura le plus marqué au Vietnam, à la fois détesté et adoré. Ça grouille de vie ! Irrésistible !
Nous ne visiterons pas l’intégralité de Hanoï qui m’a l’air d’être une ville très étendue (la deuxième plus grande ville après Ho Chi Minh, dit Saigon). Nous nous contenterons de marcher – sans programme fixe – dans la vieille ville et sa périphérie. Ce quartier est déjà suffisamment remarquable pour vous occuper tout une journée. En effet, historiquement la vielle ville de Hanoï était un point commercial central du pays. Avec le temps, les choses n’ont pas beaucoup changé et les habitants, nombreux encore à y élire domicile (près de 70 000 habitants répartis sur une trentaine de rues), se battent pour donner vie à ce quartier très typique. Les maisons sont les unes sur les autres, aucune voiture ne circule, seulement quelques centaines de scooters en même temps, les vêtements pendent chez le voisin et chacun au final vit dans la rue, assis sur le trottoir ou allongé sur son scooter garé. L’architecture de la vielle ville est intéressante. Il reste quelques vieilles baraques coloniales – pour celles qui n’ont pas été bombardé par la guerre – tombant en ruine ou mangées par la végétation. Elles sont aujourd’hui ré-investies sous forme de trois ou quatre locaux partagés par plusieurs familles. A côté de ça, des maisons ont poussé comme des champignons faits de briques et de tôles en essayant tant bien que mal de récupérer le style de la belle voisine, sans grande réussite. Ce mélange donne un réel cachet à ce quartier dont l’activité ne s’arrête jamais (ou presque… de 22h à 4h du matin). Ici tout est possible !
Il y a un grand marché couvert sur trois étages mais au final, à quoi sert-il ? La vieille ville est un immense marché dans la rue tous les jours de la semaine et douze heures par jour. Il serait bon de distribuer des plans aux visiteurs tant l’offre est dense. Il y a une rue des chaussures (vous vous doutez : ils ne vendent QUE des chaussures), il y a une rue des sacs à dos, une du textile, une des jouets, une pour les vêtements, une pour les herbes médicinales, etc, et j’en passe ! C’est simple, comme dans vos rêves les plus fous, on trouve de tout ici. Après reste à savoir si vous êtes suffisamment armé de patience pour dénicher votre perle… Dans quel autre pays peut-on trouver autant d’élément « essentiels » en claquant des doigts comme un extincteur, un tuyau d’évacuation, un gilet jaune de sécurité, du film plastique enroulé au mètre, des balises de sauvetage, des antennes satellites, une scie circulaire d’occasion ou des guirlandes de noël ? Nous sommes sur les fesses face à une telle profusion d’articles. On arrive même à se prendre au jeu: « Tu n’avais pas besoin de ça chéri ? ».
Mais attention, même armés de patience, vous devrez aussi avoir les nerfs solides et un bon bagou. Les vietnamiens sont particulièrement difficiles en affaires, tout ce négocie, même votre rouleau de papier toilette ou votre boite de coton tige. Quand dans certain pays d’Asie, lorsque vous vous en tirez par une division par deux du prix en étant fier, dite vous qu’au Vietnam, si vous n’avez pas divisé le prix annoncé par quatre, c’est que vous avez dépensé bien plus que vous ne deviez…
Nous nous sommes lancés dans les négociations pour l’achat de deux sacs dits « North Face » (mes fesses…), des fruits, des bols de soupe, des cartes postales, un magnet (un échec) et un pyjama (on vous expliquera plus tard pourquoi). Force est de constater que nous n’aimons pas négocier pour la moindre chose. C’est usant. Nous irons donc faire l’achat des matières premières comme l’eau et les biscuits au supermarché proche de notre hôtel là où les prix sont fixes et moins élevés. Car les vietnamiens ont ça dans le sang, les affaires. Ils sont intraitables et usent de combines vielles comme le monde pour obtenir LEUR prix (en vous faisant croire que vous aviez bien négocié, vous… erreur…). Ils ont toujours été doués au commerce et n’hésitent pas à essayer de vous vendre quoi que ce soit à un prix exorbitant en vous plumant, même si vous n’en n’aviez pas besoin au préalable. Cela fait souvent l’objet d’une critique sévère du reste du monde à leur égard – manque de souplesse et de sincérité dans leur business – alors que l’on oublie peut-être que ce caractère est simplement ainsi, même entre compatriotes. Caractère particulièrement fort et dur envers quelques touristes comme nous, dû probablement (en fait j’en suis sûr) à leur histoire récente. Le Vietnam a subi de nombreuses atrocités, nul besoin de cité plus longuement la sale guerre du Vietnam contre les américains où je viens de revoir récemment la date de fin : 1973, c’est proche… Massacre, bombardements des civils, tortures, lâcher de « l’agent orange » – un produit hyper toxique… des bombes non explosées tuent encore de nos jours des paysans labourant leurs terres, sans parler des malformations dues aux produits propulsés…. une histoire que l’on a tous envie d’oublier. Cela expliquant peut-être ce caractère sévère des vietnamiens et ce manque de souplesse. Mais au fond, ils sont humains et tendres. Je crois qu’il faut beaucoup de temps pour entrer en contact avec les habitants et ne pas hésiter à sortir des sentiers battus.
Mais revenons à nos moutons : le prix c’est le prix ! Elle a dit 40 000 dong pour ce magnet, à prendre ou à laisser !
Nous laissons, nous tournons le dos et partons. Nous prions pour que la vendeuse accepte notre prix, deux fois plus bas.
Mais elle ne reviendra pas sur son prix.
Échec pour l’achat du magnet.
Il n’y a pas que le matériel qui est répandu dans la vielle ville, la nourriture est largement présente dans la rue sur les trottoirs. On vous le dit : on vend de tout ! Je me souviens de ce jour où sortant de table, j’avais une petite envie d’ananas. Cinq minutes après, mon vœu était exaucé, une jeune vietnamienne découpait quelques ananas sur la selle de son vélo, prêts à manger dans des sacs plastiques pour les vendre aux passants. C’était succulent ! Un prétexte pour une seconde pause.
Hanoï et son vieux centre a de quoi déstabiliser plus d’un voyageur à la recherche d’un « vrai » restaurant. Ici les coutumes sont tout autres, la vie se passe dans la rue. De cinq heure du matin à vingt deux heure, des petits tabourets, format enfant, sont alignés sur les trottoirs et des femmes s’improvisent pour la journée maître-cuisinier. Elles n’ont pas beaucoup d’ustensiles et s’exercent bien souvent assises par terre. Un wok, plusieurs grandes bassines, une planche à découper, des couteaux, un grand feu et des pierres rouges pour maintenir au chaud la marmite préparée depuis le matin. La majorité des habitants viennent manger ici, élisant domicile sur tel ou tel trottoir (quand nous en France on se donne rendez-vous dans un bar ou un autre) pour boire un coup le soir et manger des plats simples.
Entre les scooters garés sur les trottoirs et ces mini-restaurants, le piéton ne sait plus où se mettre et finit sur la chaussée avec les hordes de scooters. Hanoï, tu nous mets les nerf à vif, coquine !
Nous décidons de manger dans la rue nous aussi, la première fois plus par obligation car on ne trouvait rien, puis par envie. L’endroit est parfois sale, beaucoup de choses traînent pas terre, de la nourriture entremêlée avec les restes de l’assiette du voisin, de papiers, de sacs plastiques, de canettes vides, mais les plats ont toujours été particulièrement frais – même la salade – et très bons. Nous redécouvrons des spécialités que nous avions tant aimé il y a deux ans. Nem frits à la demande, soupe de nouille au boeuf (pho bo), salade de nouille au boeuf à la citronnelle et cacahuète (bun bo), riz frit et légumes sautés.
Le dernier soir, nous nous éloignons de la marée humaine présente dans la rue pour nous retrouver dans une salle face à un spectacle sur l’eau avec des marionnettes en bois. Le spectacle est centenaire, déjà réalisé des années en arrière par les ethnies locales afin de divertir leurs progénitures. Avec le temps, il s’est considérablement amélioré (et exporté dans le monde) ; sa gloire lui a même permis d’avoir sa propre salle spécialisée. Si c’est pas la classe ça !
Des marionnettes pouvant attendra plus d’un mètre sont actionnés dans un grand bassin d’eau pendant une heure. Le système est tel que le spectateur ne peut voir l’homme faisant agir la poupée de bois. Des dizaines de marionnettes agissent donc comme indépendamment dans de l’eau, de quoi bluffer pas mal d’enfants présents dans la salle. Pour les adultes, c’est trop tard, on a compris que deux mètres plus loin derrière le rideau, des hommes actionnent ces marionnettes. Mais le spectacle est toujours aussi beau, non pas clinquant ou à vous en mettre plein la vue, mais simple et astucieux. On admire au passage la prouesse de ces hommes qui apprennent pendant de longues années avant d’acquérir le savoir faire d’un tel métier. Un spectacle sans prétention mais franchement intéressant et relaxant.
Notre immersion dans la quotidien vietnamien est plutôt réussi. Nous repartirons de la capitale ravis. Elle est une étape importante au Vietnam, tant par son aspect frénétique, hystérique et humain que par son histoire et sa culture à mille lieux de la notre. Nous avons aimé notre séjour tout comme nous avons aimé quitter vite cette ville. Hanoï grouille vraiment beaucoup dans son vieux centre, c’est infernal, de quoi vous donner une mauvaise migraine ! Mais ça vaut le déplacement !
….avec toutes vos images comment ne pas entendre à nouveau dans nos tête ces bruits de rues, voir ces ombres aux chapeaux pointus , sentir ces parfums et odeurs de rues….
voici un plongeon du haut de ces 3 ans écoulés …
Merci et bisous
Jacky
Un voyage au Vietnam, ça ne s’oublie pas! cet univers si particulier, parfois rebutant (ses odeurs par exemple), parfois charmant (ses odeurs par exemple), nous y sommes revenus avec plaisir et inquiétude à la fois!
[…] Souvenez-vous… C’était il y a un peu plus de deux ans, nous avions rejoint au Vietnam Sandrine, la soeur d’Élodie, Philippe son mari, Marine et Mathis, famille partie elle aussi vadrouiller aux quatre coins du globe. A l’occasion de nos retrouvailles, nous avons visité le sud du pays, Ho Chi Minh Ville (ou Saigon pour les intimes) et le delta du Mekong, aussi nous ne souhaitions pas y retourner (mais c’est quand même beau) et préférions découvrir de nouveaux horizons. D’où la sortie en plein centre du pays, et une démarche qui va surprendre plus d’une personne sur place. […]