Ce lac était si grand qu’on aurait dit un bras de mer, des vagues, portées par le fort vent d’ouest et le courant des nombreux torrents des montagnes toutes proches, venant s’écraser contre la rive. Déjà trois quart d’heure que nous roulions à tombeau ouvert et le bout du lago Viedma n’apparaissait toujours pas. Dieu que la Patagonie est immense! Jamais je n’aurai pu penser que des espaces si vastes et privés de toute forme d’humanité, si ce n’est cette route asphaltée et ces barrières grillagées flanquées de chaque côté de la route. Déjà une heure que nous roulions et pas une maison, pas un signe de vie externe au bus à l’horizon. Notre départ du village d’El Chalten, ce matin, me laisse songeur : sommes-nous donc si petits qu’il faudrait plusieurs vies pour pouvoir voir le monde entier?
La région d’El Chalten est connue pour ses massifs montagneux, presque à la base de la cordillère des Andes, en particulier pour le mont Fitz Roy, flamboyante montagne d’un peu plus de 3400 mètres, et son acolyte le cerro Torre, véritable griffe pointant le ciel sur 3100 mètres, lançant comme un défi aux petits bonhommes qui tenteraient de s’en approcher, voir l’escalader.
Ces derniers jours ont été pour nous plutôt physiques : deux randonnées d’environ huit heures chacune (aller-retour, on est pas non plus des marcheurs d’exception) entrecoupées par une plus petite d’une heure, mais plus pentue. Face à ces monstres de rocailles, titans de la montagne (et fantasmes des alpinistes), déjà on se sentait seuls. Et petits. Il faut dire que nous avons mérité ce ressenti : si la marche pour aller au Lago Torre, au pied du cerro du même nom, se fait sans trop de difficultés (encore heureux, après ces années sans marche en montagne, on a quand même bien souffert), la vue à l’arrivée est magnifique : le lac est alimenté par un glacier (ça sera loin d’être le dernier), qui lui donne cette teinte bleue-grise, un peu laiteuse, si particulière, et le glacier à lui seul aurait valu la promenade! S’allongeant sur le flanc des monts alentours, il représente une difficulté supplémentaire pour accéder au pic, mais aussi une source d’eau potable qu’on pourrait croire inépuisable (oui, leau est potable et même très bonne, et ce jusqu’en bas de la vallée) et un spectacle, encore une fois, magique tant par ses couleurs que par les impressions de puissance et d’âge avancé qu’il dégage.
Nous avons pique niqué sur les bords du Lago Torre, face à des icebergs. Notre promenade s’est arrêtée là, en effet, un petit sentier longeait encore pendant trente minute le lac mais le vent soufflait tellement fort que nous avons dû abandonner. Élodie s’envolait et nous avons dû – ainsi que deux autres randonneurs – nous cacher derrière un rocher pour ne pas tomber pendant certaines rafales.
La veille, nous avions croisé le chemin des Français (souvenez-vous), revenant de randonnée qui nous avaient vendu « une promenade toute plate, tout le monde dit quatre heures aller mais en deux heures trente-trois heures c’est largement faisable (ils se trompaient sur notre condition physique), comme celle du Lago de Los Tres, trois heures à tout péter (ils se trompaient définitivement sur notre condition physique). Le soir même, nous les reverrons attablés dans la brasserie artisanale qu’ils nous avaient recommandés (ils ne s’étaient pas trompés sur notre condition stomacale…). Et devinez qui nous rencontrerons le lendemain, dans le bus nous approchant du début du sentier du Glaciar Huemul?
« Une ballade de 500m offrant une superbe vue sur le glaciar Huemul et les montagnes » disait notre guide de voyage en parlant de la randonnée du deuxième jour. Un mensonge par omission, sans doute. Ils ont juste oublié d’aborder la pente à 50 degrés sur plus d’une demi-heure! J’aurais appelé ça une randonnée, car on a du s’aider des mains à plusieurs reprises! Enfin, le jeu en valait toutefois la chandelle! Une vue effectivement sublime (bien que très nuageuse) nous attendant à l’arrivée, nous déjeunons un repas sommaire (des empanadas achetés quelques heures avant dans une panederia, mais un repas somme toutes plus élaboré que d’habitude : le supermarché local, sans pratiquer des tarifs excessifs, ne regorgeait pas de denrées alimentaires! Tout juste de quoi faire des pâtes et des sandwichs « maquereau-tomates-mayo » et « fromage-tomates-mayo », ici pas de chips, peu de fruits et…en fait, pas grand chose tout court) avant de redescendre prestement, le bus nous ayant amené devant repartir pour Chalten.
Le village d’El Chalten, justement, m’a quelque peu désappointé : fondé officiellement seulement en 1985 pour justifier d’une présence argentine sur des territoires fortement revendiqués par le Chili tout proche, il ressemble à une forêt de baraquements qui semblent posés aléatoirement et à la va-vite, des maisons sans caractère (on notera d’ailleurs les divers modes de constructions adoptés localement : les plus riches ont adopté le parpaing, qu’ils s’empressent d’empiler (murs extérieurs et intérieurs) avant de recouvrir de plâtre ou de ciment… Sans poser le toit. D’autres adoptent le même type d’assemblage, des briquettes à la place des parpaings et chappe de béton en moins, et enfin, les moins riches (enfin on espère) choisissent… Les plaques de bois aggloméré recouverts de tôle ondulée! Notons d’ailleurs que la plupart des habitants semblent s’accommoder à vivre dans une maison jamais finie (piliers pour ajouter un étage ornant le « toit terrasse »(on va dire ça comme ça…), plâtre sur les vitres mais pas sur les briques qu’il est sensé protéger et décorer, briques qui constituent sans doute une forme de collection de nains locale, vu le nombre trônant dans les jardins de façon répétée et désordonnée, j’en passe et des meilleures) Bref, un village sous la forme d’un immense chantier, qui, à l’image de sa grande sœur El Calafate, alterne restaurant, agence de tourisme(avec option magasin de matériel d’alpiniste) et boutique souvenirs. Pas un souvenir impérissable de la cité, quoi.
Impérissable en revanche les images qui resteront gravées en nous lors de notre dernière randonnée dans le parc national de « Los Glaciares », qui nous mènera en quatre heures au magnifique lac de montagne lago de Los Tres, accompagné par son encore plus rutilant glaciar, au pied du roi des montagnes locales, le Fitz Roy. D’abord caché par les nuages, le roc finira par se dévoiler dans la journée, accompagné par un soleil de plomb, à la faveur d’un vent qui lui ne fera que décroître durant le jour Après une montée éprouvante (beaucoup plus que celle de la veille) sur un sentier en lacets exposé au soleil, vent (et cailloux par milliers, tantôt en galets, tantôt aménagés en escaliers – Elodie est prête pour son ascension du Wayna Picchu-) nous soufflons, ébahis devant le spectacle qui s’offre à nos yeux. Il n’y a pas de mot pour le décrire (en plus nous sommes essoufflés). Le retour, pas moins éprouvant, accentuera nos courbatures et autres stigmates, au point qu’Elodie nous fera sortir la trousse d’urgence en se froissant un muscle ( pas de panique, rien de grave!). La gigantesque côte d’agneau du soir nous récompensera, accompagnés par ses « traditionnelles » papas fritas (…des frites quoi, ici ils ne connaissent pas les légumes semble-t-il) et d’un exquis vino de la casa.
Le lac à disparu, à l’intersection de la ruta provincial 5 (goudronnée) et de la ruta nacional 40 (piste de grossière facture, graviers et gros galets constituant l’essentiel de son pavage), jamais nous n’aurons atteint son extrémité et nous ne le reverrons probablement pas de sitôt! C’est pour nous l’occasion de remonter la « légendaire » Ruta 40, qui traverse de bas en haut l’Argentine! L’expérience promet d’être palpitante!
Coucou les Chéris, je vois que le voyage est superbe,paysages très beaux et textes intéressants,il aurait été agréable d’avoir au moins une photo de el Chaten ^m si la description est bien faite.
Bon j’ai déjà essayé de vous envoyer un mail …mais Bug!
Bonne continuation
Ah! j’oubliais on à reçu avant le départ d’Eliane pour la Chine une belle carte.
Gros bisous à tous 2
M.Claire
En effet, Chalten était tellement peu photogénique que je n’ai pas pensé à la capturer de près…
Chouette pour la carte, on pensais qu’elle s’était perdue!
Grosses bises à vous deux!
Fabien