Une aventure cambodgienne

Il n’y a pas si longtemps que ça j’étais au Cambodge. J’ai l’impression que c’était hier. Pourtant cela fait bien une semaine déjà que le coup de tampon final s’était abattu sur mon passeport bien rempli. Aujourd’hui j’ouvre mon carnet de route tout neuf avec un grand sourire. J’adore entamer mes nouveaux cahiers ou mes livres. Ils sentent bons le papier frais, les feuilles glissent entre mes doigts sans accroche tout en faisant ce délicieux bruit de papier neuf. Je pourrais passer des heures à admirer le corps d’un nouveau livre. Un carnet de route c’est tout un tas de chose en perspective, tant de pages blanches vierges de vie à noircir.

Thaïlande, il est 15 heure. Ma chambre n’est pas encore prête. Sur le balcon, j’ouvre donc mon second cahier acheté à Phnom Penh. Je déroule le fil qui retient la couverture et les pages, comme dans les bons films d’aventurier où le héros admire un sublime paysage en notant ses anecdotes sur son bon vieux compagnon, son carnet en cuir qui tient grâce à bout de fil. Le mien est en caoutchouc, en assemblage de chambre à air pour être exacte. A l’intérieur, cousu par du fil orange, un beau tissu aux motifs floraux verts, roses et oranges permet de retenir le carnet en question. L’étiquette, toute petite, atteste de son origine : « Friends ». Un joli nom surtout lorsque l’on sait à quoi œuvre l’association. J’imagine l’enfant ayant trouver un refuge auprès de ces adultes en train de confectionner de ses mains ce cahier. Un joli travail bonhomme !

Le Cambodge est un pays mystérieux fait de sonorités, d’odeurs et de sensations que chaque voyageur ressent indéniablement. Ce pays a ce quelques chose d’indéfinissable, un petit truc à lui qui charme. Je ne saurais l’expliquer, il marque, c’est comme une claque.

Poussière du Ratanakiri

Poussière du Ratanakiri indélébile

A Ban Lung dans le Ratanakiri, nous passions toutes nos soirées dans ces restaurants khmers, ces espèces d’échoppes mi-restaurant, mi-hall d’entrée, mi-salon familial privé et mi-stand de rue. Dès 18h, la grande enseigne de bière « Angkor » brillait fièrement sur la chaussée comme pour annoncer « Ici on est fier de nos temples mais surtout de notre bière. On vous sert un grand pichet pour 8 000 riel (2$) ». Ce qui nous attirait dans ces échoppes de Ban Lung, détrompez-vous ce n’est pas la bière, mais la gentillesse des serveurs et des habitués. Nous étions assez peu de voyageurs dans le restaurant khmer où nous avions élu domicile. Nous, deux autres et trois expatriés devenus avec le temps des habitués. C’était non sans émotion que nous rentrions à chaque fois dans ce grand hall bétonné et carrelé, à déambuler entre les dizaines de tables en plastique  à la recherche d’un petit coin où se poser. C’est qu’il était fréquenté celui là ! On ne faisait pas les fiers parmi tous ces khmers réunis en famille ou entre amis, dégustant des plats bien connus par eux, et à parler fort, signe d’une soirée bien réussie dans ce pays. On avait l’impression d’entrer dans une cantine joviale, un repaire, où pendant l’espace d’un instant, à notre entrée, le silence s’installait pour nous observer. Non, je ne rêve pas, tous les regards sont tournés vers nous.
Une serveuse bienveillante, venait vite nous accompagner et nous aider à nous installer. Nous croisions les regards de nos voisins, déclenchant ainsi leur beaux sourires et hop, nous voilà insérer parmi la foule d’habitués. Tout le monde repartait alors à ses occupations principales. Notre serveuse revenait pour prendre la commande mais surtout pour nous offrir une grosse théière remplie, deux verres avec des glaçons et un saladier de riz (il remplirait allègrement six estomacs en France) ! La bonne humeur régnait dans ce hall. Au Cambodge, manger se dit « riz » comme si ne pas offrir autant de riz que nécessaire était un impair. Offrir du thé dans un pays où l’eau n’est pas potable est un geste qui nous a touché aussi et il ne sera pas si souvent renouvelé ailleurs dans le Cambodge.

Enseigne Angkor

Enseigne Angkor ? Ici on sert de la bière !

Il existe de nombreux restaurants khmers familiaux partout sur le territoire cambodgien où bière et nourriture ne sont pas chers. Mais nul part ailleurs qu’à Ban Lung, l’accueil n’aura été à ce point marqué par les locaux. Le riz et le thé n’auront été offert ET à volonté qu’ici dans notre petit restaurant habituel, ce qui montre jusqu’où va la générosité des habitants de Ban Lung qui, immédiatement, nous ont intégré comme étant des leurs.

Ban Lung

Enfant de Ban Lung

Voici des scènes bien banales de notre vie courante que je vous peint mais elles resteront nos meilleurs souvenirs du Ratanakiri.

A Kratie, c’est sur le chemin qu’un évènement me marquera.
Nous roulons en direction de la ville et notre minibus fait une pause sur le bord de la route pour les pipi urgents, les petons à dégourdir et les estomacs vides. Fabien file aux toilettes tandis que moi, je m’éloigne du groupe pour visiter les alentours. Il y a cinq familles qui vivent sur le bord de cette route dans leurs commerces faisant office de salle à manger et salle à dormir. Je m’approche de l’un d’entre eux par simple curiosité.  Je me fais très vite repérer par les jeunes garçons de la maison. Le plus jeune, six ou sept ans, sort sa tête par la fenêtre en m’interpellant. Je le regarde en souriant car je sais qu’il ne s’arrêtera pas tant que je ne lui aurait pas répondu. Je vais donc épargner d’user son énergie à ce ptit bout à trop crier « Hello », je lui fais signe. Il sort encore un peu plus sa tête apparemment satisfait d’avoir été remarqué par une étrangère. Il se met à secouer ses bras en l’air. Il me fait de grand coucou. « Hello ! Hello ! ». Le chauffeur de bus m’appelle, il faut repartir. Je regarde mon petit amoureux qui désormais m’envoie des grands bisous volants avec ses deux mains. Je reçoit avec un grand plaisir une pluie de bisous de ce petit garçon inconnu du bord de la route en direction de Kratie. Je pars raconter l’anecdote à Fabien. Je n’oublierai pas cette petite tête brune…

Jus de canne à sucre sur le bord de la route

Jus de canne à sucre sur le bord de la route, dans un sac plastique

Plage de Kratie

Plage de Kratie et ses transports locaux

A Siem Reap, notre heureuse surprise sera toujours en compagnie d’enfants. Nous sommes le deuxième jour en plein milieu des temples d’Angkor. Comme toujours, nous sommes accueillis à l’entrée et à la sortie par une véritable tribu d’enfants, vendeurs improvisés de souvenirs pour la journée. Ces bouts de chou sont très très insistants. Cela agace vite pas mal de monde, ce que nous comprenons. Nous, nous préférons cependant en profiter pour bavarder avec eux, histoire de les connaître un peu mieux et de rendre, peut-être, leur journée « un peu » plus agréable. Ce ne sont que des enfants après tout. Oui mais des enfants qui ont un anglais incroyable ! Prenons un exemple : j’ai fait tomber mes lunettes par inadvertance le premier jour et les casse. Une petite fille de quatre ans nous accompagnant pour vendre des bracelets me regarde alors les yeux ronds. Elle déclare : « Broken… ». J’en oublie alors presque d’avoir cassé mes lunettes, surprise de découvrir qu’une gamine si jeune connaisse ce mot. A cet âge, en général, on sait compter, dire bonjour, merci et au revoir. Et encore… je met au défi de trouver un français ayant autant de vocabulaire à quatre ans…
Vendeurs d'AngkorLe plus surprenant se déroulera le deuxième jour. Un garçon de huit ans s’approche de nous pour vendre ses cartes postales. « Dix pour 1$ » dit il fièrement. Il les compte une par une à voix haute devant nous. C’est bien bonhomme, tu sais compter en anglais mais nous n’en voulons pas. Il insiste. « No, no, no » nous lui rétorquons et enchaînons poliment par un « Passe une bonne journée ! » en souriant. Il rechigne en s’éloignant et annonce en anglais sur un ton mi-déçu mi-comédien averti : « Oh, non… maintenant, ce n’est pas une bonne journée… » Lui qui était si joviale il y a deux minutes, le voilà à traîner des pieds en jetant des regards derrière lui pour être sur que l’on ne veuille toujours pas de ses cartes postales.
Deux cents mètres plus loin, une jeune adolescente s’attaque à nous pour vendre des boissons. « Non, merci ».
Elle répond : « Mais vous avez besoin de boire un peu, un café ? »
« Non, il fait chaud, pas de boisson chaude »
« J’ai des boisson fraîches si vous voulez, du coca ? »
« Pas de sucre, merci »
« De l’eau alors ? »
Elle trouvera pendant quelques minutes tout un tas d’argument pour nous faire craquer. Nous, on sourit. Elle parle très bien anglais cette belle jeune fille. Au bout d’un moment, nous tenterons de clore l’échange : « Nous n’avons pas soif, désolé ».
Elle tourne alors le dos brusquement, vexée et nous lance : « D’accord ! Tu n’as pas soif, il fallait le dire dès le début ! »

Enfants d'Angkor

Enfants d'Angkor

Nous rigolons, plus par surprise de découvrir tous ces enfants si débrouillards et ayant autant de répartie à leur âge… en anglais ! Bravo ! On ne peut qu’applaudir !

Phnom Penh, la capitale, m’aura terriblement envouté. Peut-être un peu moins Fabien. Je ne saurais pourquoi mais cette ville m’a touché. En marchant dans les rues, j’avais la sensation de croquer la vie à pleine dent. Et c’est à Phnom Penh que nous aurons notre meilleur souvenir du Cambodge.
Pour cela revenons en arrière. Cela fait déjà deux semaines que nous vivons dans la ville, dans le même quartier, dans la même auberge. Nous restons souvent dans le coin, boire un café, acheter un ananas ou une mangue à la vendeuse d’à côté et surfer sur le net sur une chaise posée sur le trottoir. Au fil des jours, nos voisins cambodgiens ont fini par enregistrer notre visage et à nous reconnaître, surtout les chauffeurs de tuk tuk qui stationnent toute la journée dans la rue devant notre auberge. Chaque matin, nous avons de plus en plus le droit à notre « Hello ! », juste comme ça, pour le plaisir de dire bonjour. Nous sommes toujours restés poli avec ces messieurs et pourtant dieu sait que vu le nombre de proposition « hello, tuk tuk today ? » dans toute la ville (une grosse centaine en seulement quelques heures), nous aurions pu vite devenir agressif. Il n’en est rien et nous leur avons toujours répondu avec sourire un :  « No, thank you ». Ils n’insistent jamais. Par contre, heureux de notre réponse aussi gentille, beaucoup lèvent la tête avec un grand sourire sincère et nous lancent : « Oh ! Thank you ! Have a good day ! » Comme quoi il suffit d’un rien pour communiquer et faire plaisir aux gens… Nous nous sommes véritablement « liée d’amitié » avec ces chauffeurs de tuk tuk, très gentils en définitif. Pour ça, le Cambodge va nous manquer.

Tuk Tuk !

Tuk Tuk !

Et ces chauffeurs nous le rendront bien !
Passer du stade simple « touriste » au rang de « résidant temporaire du quartier » après quinze jours, les tuk tuk de notre quartier nous reconnaissent dans la rue n’importe où, même à vingt minutes de marche de notre auberge. Ils nous klaxonnent au passage et nous saluent avec de grands signes. Ça fait vraiment plaisir.

On est bien a l'intérieur !

On est bien a l'intérieur !

Tuk tuk Cambodge

Tout est dit !

Le dernier jour où nus devons partir, un pick up vient nous chercher à l’auberge. Il est 10h du matin. Nos chauffeurs de tuk tuk sont tous là dehors à attendre une opportunité de course avec un client. Ils nous voient alors sortir avec nos gros sacs à dos pour les charger dans la camionnette. Le message est passé. Et tous sans exception, une dizaine peut-être, se lèvent. Certains, ceux avec qui nous avons discuté le plus souvent, sortent même de leur véhicule pour se rapprocher de nous. Ils nous saluent, encore une fois, tous sans exception. Nous les regardons un instant, bloqués sur la route. On aurait envie de papoter un instant. On nous presse, il faut partir. Tout le quartier est en train de nous dire au revoir avec de beaux sourires et de chaleureuses salutations. Moment de gloire et petite larme à l’œil. Il faut partir… Mais est-ce vraiment obligatoire ?…

Le Cambodge a ce petit quelque chose d’indéfinissable qui marque le voyageur. Une joie de vivre, une envie d’aller de l’avant, de s’en sortir, d’accueillir, de se faire plaisir, de toujours vouloir rencontrer son voisin, de persévérer malgré les difficultés…
Lorsque l’on quitte un pays, nous avons toujours besoin d’écrire une sorte de conclusion car il n’est jamais facile de partir, croyez-nous. Écrire nous permet de passer à autre chose… surtout quand on quitte un pays où l’on aimerait, peut-être, un jour vivre.

Pourquoi pas après tout ?

Notre chauffeur de tuk tuk s'est endormi...

Notre chauffeur de tuk tuk s'est endormi... Chuuut

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  1. Juju dit :

    Bonne et heureuse année !! On pense fort à vous !! Bises.

    Julien & Cindy

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