Saison verte

Il faisait chaud et nous étions fatigués, après de trop nombreuses heures de correspondance à l’aéroport de Panama City, sans doute le plus mal organisé que nous ayons croisé jusqu’à présent, la nuit était tombée depuis longtemps et l’organisation des bus de la ville correspondait bien à la description du guide de voyage que nous lisons, c’est à dire à peu près le même ressenti que celui de l’aéroport de Panama (et c’est bien peu glorieux). La ville de San José du Costa Rica, capitale de l’état – comment ça, je ne l’ai pas dit? Ah, non? Nous sommes arrivés au Costa Rica, mignon pays du centre de l’Amérique centrale, mignon car il est tout petit (et tout ce qui est petit est… vous avez compris la suite…enfin je m’égare) la ville, donc, apparait très vite à l’échelle du pays, et le lendemain de notre arrivée, nous plongeons dans la paisible bourgade ; en moins de deux heures nous faisons le tour des places principales, parcs et monuments visibles (hors musées payants), en prenant pourtant de larges pauses dans chaque parc : on aura vite compris que San José ne constitue pas le principal lieu d’attraction du pays, mais il est en revanche le point central du pays a plus d’un titre : central d’un point de vue politique, économique (c’est là que tout ou presque se passe), mais surtout géographique, toutes les routes mènent à San José n’est ici pas une simple expression mais bel et bien une réalité : pour vous donner un exemple, certains habitants nous ont affirmé qu’il était plus simple, économique et rapide de repasser par la capitale pour relier deux villes touristiques, soit deux fois cent trente kilomètres, pour relier les deux villes séparées de… dix-neuf kilomètres!

Un des quelques parcs de San José, qui annonce la couleur du pays!
Un des quelques parcs de San José, qui annonce la couleur du pays!

Un immeuble tout en métal dans la capitale
Un immeuble tout en métal dans la capitale

Il faisait chaud et nous étions assis dans la véranda de l’auberge qui nous accueille, moi travaillant à rattraper tout le retard que nous avions pris sur ce blog (nous sommes toujours en retard, mais l’enchainement intense de la fin du Pérou nous avait fourni matière à beaucoup de rattrapage!), Élodie travaillant quant à elle le parcours dans ce si petit pays pourtant si richement agrémenté en site à visiter (des mois ne suffiraient pas pour nous!) – ou peut-être était-ce l’inverse – en tout cas nous parlions volcans, lagune, forêts et océan avec le propriétaire [en version française, je vous épargne la VO] :

moi : Oui, mais je tiens à le voir, ce fichu volcan Arénal!

lui : Il est grand, difficile de le manquer, on le voit à des kilomètres!

moi : D’accord, mais j’ai surtout peur des nuages! La région est assez fréquemment encombrée de nuages…

lui : Non, mais il ne faut pas avoir peur des nuages!

A ce moment très précis, un terrible éclair illumine le ciel derrière nous, immédiatement suivi d’une détonation comme j’en avais rarement entendu, suivi d’une pluie battante aussi soudaine que la foudre. C’est la « saison verte ».

La « saison verte », c’est surtout une dénomination commerciale destinée à faire moins peur, utilisée par différents secteurs pour ne pas employer le terme de « saison des pluies », qui il faut le dire est beaucoup moins sexy, surtout quand vous vous échinez à proposer de multiples excursions en extérieur, une auberge avec une grande terrasse ou une location de voiture (quoique, « prenez un 4×4 plutôt qu’une citadine, c’est la saison des pluies quand même » fonctionnerait sans doute bien dans la bouche d’un garagiste), et pourtant, elle n’a rien de bien méchant cette saison des pluies verte, au contraire : durant cette fameuse conversation, elle a agréablement rafraichi l’atmosphère lourde et pesante que nous subissions depuis la veille, et a apporté une touche de variété au paysage monotone et monochrome que constituait le ciel costaricain jusqu’alors ; elle n’est finalement pas si terrible, cette saison des pluies qui semble fait tant peur aux publicitaires : il fait beau, un nuage au loin et d’un coup, d’un seul une pluie dense s’abat sur nous sans discontinuer, des seaux d’eau géants se répandent sur la terre et soudain tout est fini, comme tout était arrivé.

Il faisait bon le lendemain, quand nous partions pour notre première expédition, du côté de La Fortuna, pour aller admirer le volcan Arénal, ce qui ne nous sera pas offert sur un plateau! A l’arrivée, une épaisse couche nuageuse recouvre la montagne volcanique, nous empêchant de le voir ; bien décidés à explorer la région, nous partons le lendemain matin (ici tout se fait le matin, le plus tôt possible, car les nuages arrivent souvent dans l’après midi) à la découverte d’une cascade locale, qui fait une chute d’une hauteur de soixante dix mètres. Le chemin est long et il fait très vite chaud, mais l’arrivée devant la cascade est charmante, à défaut d’être spectaculaire (mais après les chutes d’Iguazu, quelle cascade est spectaculaire?)

Arenal : la cascade
Arénal : la cascade

Nous descendons prudemment jusqu’à la rivière en contrebas, les marches sont hautes et glissantes, et une bonne surprise nous attend en bas : la chute est très jolie vue de la rivière, et l’eau est assez tempérée pour qu’on puisse s’y baigner! Alors, très vite on se jette à l’eau, et effectivement l’eau nous rafraichit agréablement, malgré les hordes incessantes de touristes adolescents Américains qui défilent devant nos yeux, les roches douloureusement pointues trainant au fond de l’eau et les poissons nageant un peu trop près de nous à notre goût. Nous nous installerons ensuite vite une petite zone de campement, enfin façon de parler car nous devons sortir avant dix-sept heure du parc. Nous déjeunons, lisons, discutons, enfin bref une journée à la campagne. Ce que nous ne voyons pas, c’est l’approche de la « saison verte », qui tombe – soudainement, mais on dirait que c’est un principe de base pour elle – sur nous à la vitesse du piano en chute libre (c’est à dire rapidement, je pense qu’il ne peut pas en être autrement). Nous nous rabattons sous la pluie, mais en habits adaptés pour cette situation (que nous avions anticipé) vers l’entrée, et le temps de s’arranger avec une famille d’Austin (« Austin, Texas », précisent-ils, au cas ou nous confondrions avec « Austine, Calvados ») pour rentrer en taxi et partager les frais, la pluie s’est tue et le ciel bleu reprit sa place, comme si de rien n’était.

La chute d'eau vue d'en bas
La chute d’eau vue d’en bas
Une eau rafraichissante
Une eau rafraichissante

Le lendemain, le rendez-vous est pris avec le volcan Arénal, pour pouvoir admirer ses pentes noircies par les passages successifs de coulées de laves, et pourquoi pas voir une coulée de roches fondues issue du centre de la terre (ne vous emballez pas, le volcan est inactif en ce moment, oui, moi aussi je suis déçu). Au pied du volcan tout de même se cachent deux ou trois trésors dans lesquels nous nous plongerons : une jungle primaire, majestueuse forêt verte, dense et très aminée, habitée par de nombreuses et variées espèces d’animaux que nous ne feront qu’entendre pour la majorité… plutôt vexant qu’ils ne veuillent pas se montrer! Nous nous promènerons pendant un moment, avant d’arriver sur les vestiges de la coulée de lave de 1993, avec des blocs impressionnants de taille (on marchait dessus, je ne les ai pas pris en photo) et des pentes noires de cendres, qui se laissent lentement recouvrir par une nouvelle végétation…

Le volcan Arenal
Le volcan Arénal
Dans la jungle d'Arénal
Dans la jungle d’Arénal
Les pentes noires de cendres du volcan Arénal : coulée de lave de 1993
Les pentes noires de cendres du volcan Arénal : coulée de lave de 1993

Sur le chemin du retour, nous nous arrêterons pour une plongée avec les locaux dans une rivière naturelle d’eau chaude (au moins 40°), pas loin des divers et onéreux parcs aquatiques puisant dans les mêmes réserves d’eau chauffée dans des canaux souterrains par la chaleur volcanique, toute proche elle aussi. Nous y resterons un moment, mais pas trop, car l’eau est « caliente »…

Une rivière d'eau chaude
Une rivière d’eau chaude

Chute artificielle

Les nuages étaient de la partie le lendemain pour aller près de Monteverde, mais la pluie inexistante, les bagages prêts et chargés dans le bus, nous assis sur les places de devant. Le premier parcours ne fut toutefois pas long, et très vite nous embarquions sur un esquif pendant une petite heure sur le lago Arenal, un lac artificiel à quelques minutes de route du volcan éponyme : l’aventure dans laquelle nous nous engagions a un nom : JBJ, « Jeep – Boat – Jeep » qui consiste à enchainer les trois véhicules pour relier La Fortuna à Santa Elena, le village le plus proche du parc de Santa Elena. Le lac s’est avéré plus grand que ce que nous avions imaginé, plus paisible aussi, avec ses accents parfois suisses, chalets de bois et rives superbes, le volcan Arénal complétant un décor sympathique. Le second véhicule, lui, sera moins… disons moins tranquille : dans le secteur, pas de route, seulement des chemins, et encore pas toujours en excellent état. Secoués comme des pruniers cocotiers (soyons locaux) pendant près de deux heures, nous profiterons de décors enchanteurs complètement différents de ceux croisés jusqu’à maintenant : ici, point de forêt dense, beaucoup de fermes et d’arbres fruitiers divers en revanche. Nous arriverons après un temps que ma vessie trouvera long a Santa Elena… Nous ne savions pas à quoi nous attendre dans ce parc ; nous ne serons pas déçus!

Jeep Boat Jeep
Jeep – Boat – Jeep : une vue à bord du bateau
Une vue du lago Arenal
Une vue du lago Arenal

L’air était dense et humide, mais curieusement frais ce matin là, devant les portes du parc national de Santa Elena. Bottes aux pieds (nous découvrions que les locaux adorent ce genre de chaussures et ce n’était pas un hasard), nous nous engagions sur le sentier le plus long, le « sendero negro », une boucle de trois heures, mais il ne nous faudra pas tout ce temps pour que l’endroit nous révèle toute sa beauté : ce parc, comme celui mitoyen de Monteverde, est une « forêt de nuages » ou « rainforest » (pour ceux qui connaissent la chaine de restau du même nom dans le Disney Village, le parc national à du s’inspirer de lui, en plus humide ;-) …). Des plantes qui poussent sur des plantes qui poussent sur des arbres géants, avec des animaux qui grimpent qui mangent des insectes qui volent qui mangent des insectes qui rampent qui mangent des arbres, des lianes dans tous les coins et de toutes les tailles, des arbres géants recouverts de mousse, de feuilles, de plantes diverses et d’animaux en tous genres constituent un écosystème absolument unique en son genre, et pour cause : cette forêt se trouve dans les montagnes, au niveau des nuages, et on peut voir toute la journée ces derniers s’engouffrer dans les épais feuillages, si près de nous, si près de nous… On pourrait presque les toucher tellement ils sont près!

Tenue officielle de la visite : vêtement de pluie et bottes!
Tenue officielle de la visite : vêtement de pluie et bottes!

tenue officielle 2

Une jungle dense
Une jungle dense
Des plantes qui poussent sur des plantes qui poussent sur des arbres
Des plantes qui poussent sur des plantes qui poussent sur des arbres

Fleur dans tronc

Une forêt dense

Une forêt de nuages, une vraie
Une forêt de nuages, une vraie : ici, on touche les nuages du doigt

Cette promiscuité avec les cieux donne à tous les végétaux un aspect brillant, humide (et curieusement, le lichen ne l’est pas!), verdoyant, lumineux aussi, et les différents végétaux entrent en harmonie : les lianes par exemple, se lient avec les végétaux à proximité et se classent en trois catégories : non parasitaires (elles grimpent aux arbres pour atteindre la lumière avant de se détacher et d’essayer de toucher le sol pour se nourrir), semi-parasitaires (elles restent sur l’arbre mais se nourrissent des minéraux apportés par la pluie) et… parasitaire (oui, un scientifique c’est assez peu imaginatif…) qui grimpent aux arbres, se nourrissent de ce qui le constitue, puis en grossissant finissent par l’étouffer. Une lutte incessante est donc toujours en marche pour la survie des végétaux, certaines plantes aidant les arbres, les autres voulant les détruire. Manichéen dites-vous? Les animaux ne sont pas en reste (voir un peu plus haut) et n’hésitent pas à attaquer ceux qu’ils considèrent comme des agresseurs potentiels : je dois avoir la tête d’un homme méchant pour qu’une énorme guêpe s’attaque à moi avec acharnement pendant plusieurs minutes pour finalement me piquer avant de se faire héroïquement détruire par plus grand qu’elle lors d’une lutte homérienne, une humaine répondant au nom d’Élodie… Dure loi de la jungle! Passé cet épisode d’une rare violence, nous marcherons dans cet environnement hostile avec l’impression permanente que de nouveaux agresseurs viendront à nous (à tort).

Des lianes et du vert
Des lianes et du vert
Un insecte
Un insecte
Une couleuvre
Une couleuvre (si, si, regardez bien!)
Des lézards qui galopent
Des lézards qui galopent

forêt 2

Papillon
Un papillon : penchez la tête, vous verrez un oeil de serpent (technique d’intimidation)
Oiseau
Un oiseau (mais on ne sait plus son nom…)
Iguane
Un iguane défendant son territoire
Attention, un serpent!
Attention, un serpent! Ah, non, c’est une liane…

Forêt

Il faisait frais et l’air était densément chargé d’eau, on y voyait clair qu’à quelques mètres, et le moindre son provenant de la masse verte tout autour de nous était amplifié, déformé, donnant une nouvelle dimension à notre univers. Nous partirons sous les coups de tonnerre tout proches, si proches! Nous ne sommes toujours pas sous les nuages, nous somme dans ceux-ci, et pour la première fois nous sommes dans l’orage, une sensation… électrisante. Ici aussi, c’est la « saison verte »! La visite de cette forêt de nuages a été une expérience extraordinaire, très marquante, et pourtant, nous n’avons vu qu’une miette du lieu, presque fermé à cent pour cent au public! Quelles merveilles renferme encore ce lieu, quels animaux non observés, quels arbres millénaires restent à voir? Nous ne le saurons pas. Pas tout de suite en tout cas. D’autres découvertes nous attendent, ailleurs!

Un ours derrière une feuille
Un ours derrière une feuille
Vers de nouvelles aventures!
Vers de nouvelles aventures!
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déjà 2 commentaire, réagissez à ceux ci ou commentez vous aussi à “Saison verte”

  1. jacky dit :

    Pendant quelques heures , quelques jours vous avez fait partie des rampants, de la moisissure, de cette nature qui se dévore elle même sans cesse pour renaitre a chaque fois sous une autre forme….ainsi est né Adam et Eve ou plutôt Tarzan et Jane »…. en tout cas notre Tarzan et Jane à nous c’est vous !
    Bisous a plus

  2. […] conversation, déjà évoquée dans un article précédent n’était pas à propos du volcan Poas, mais elle aurait très bien pu s’appliquer à ce […]

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