Le Royaume des Sables

Pas après pas, je prenais conscience que nous nous rapprochions inexorablement de la France, la fin de notre voyage, pas seulement temporellement, mais aussi physiquement, jamais nous n’aurons été aussi près des frontières de notre pays que là, quelques kilomètres à l’est de la frontière Indo-Pakistanaise, dans le désert du Thar. Le sable fin qui s’insinuait dans mes chaussures reflétait, sans le savoir, dans mes pensées des souvenirs agréables, à la fois si récents et si lointains, le sable de Koh Rok, il y a quelques semaines seulement, mais aussi celui de ces plages costaricaines, Montezuma, Cabo Blanco, Mal País, ou encore plus avant la poétique plage de Coney Island, à New York. Cette dernière image résonnait encore plus fort dans mon esprit à ce moment là que les autres. Dans quelques jours, un an allait s’être écoulé depuis notre départ. A l’horizon à ce moment là, une foret d’immeubles, des millions d’habitants concentrés sur quelques blocs, un peuple riche à l’histoire récente. Aujourd’hui… L’Inde, ses bidonville et sa civilisation millénaire… et le désert, le royaume des sables.

Le Royaume des sables
Le Royaume des sables

Je marchais pour m’éloigner du groupe, me poser sous un arbre et profiter d’un coin d’ombre dans la chaleur de ce début d’après-midi afin de digérer le repas de midi, « aloo-gobi » (pommes de terre choux-fleurs cuisinés aux épices) et chapati, le pain local, préparé par Anoj et son fils Ojas.

Nos guides
Nos guides

Près de l’arbre, un caillou couleur sable humide attira mon regard : sa teinte avait précisément celle de la forteresse de Jaisalmer, la dernière « grande ville » croisée. Deux jours avant, Catherine et Claude, à l’aéroport de Jodhpur attendaient leur avion et nous partions à la recherche de notre bus. L’avance très confortable que nous avions nous permit, avec l’aide du chauffeur de rickshaw, d’accéder au bus précédent. Très vite, le véhicule fut très rempli, trop peut-être et la satisfaction d’avoir deux places assises sera de courte durée : on devra se partager les sièges, une femme au bord, Élodie entre deux (pas très confortable), moi contre la vitre (pas plus confortable, surtout avec cette manette verticale pour baisser le siège sous les fesses)… A peine le bus démarré que l’ambiance change : l’homme devant nous hausse le ton et menace violemment (mais verbalement) la femme devant lui (soit deux sièges devant nous) et une bonne partie des gens la regardent avec un air courroucé. Elle hurle, tape les sièges des deux mains, frappe la vitre avant de s’effondrer en larmes, puis de se relever et hurler de nouveau… en pointant de doigt les hommes autour, ce qui ne manque pas de les énerver un peu plus, puis elle tape sur les sièges et la vitre, reprenant son terrifiant spectacle – doublement terrifiant pour nous qui ne comprenons pas. Après un moment d’ambiance survoltée, le voisin de l’homme énervé attrapera les mains de la jeune femme, lui murmurera quelques mots qui auront pour effet de la calmer, pour un temps… Elle finira par rompre le – relatif – silence en chantant à tue-tête et tapant dans ses mains sans arrêt, jusqu’à la fin du voyage… Cinq longues heures…

A l'arrivée…
A l’arrivée…

La citadelle, flamboyante dans le couchant nous attendra, à l’arrivée, dominant la ville nouvelle en contrebas, avec ses tourelles défensives arrondies, ses quatre vingt dix-neuf bastions couleur sable, majestueuse. Et tout autour, déjà, le désert aux éoliennes parsemées aléatoirement dans le paysage vide.

La citadelle de Jaisalmer, dans la lueur du soir
La citadelle de Jaisalmer, dans la lueur du soir
Autour de Jaisalmer, les désert et les éoliennes
Autour de Jaisalmer, le désert et les éoliennes

Nous consacrerons la journée suivante à la découverte de la cité médiévale. D’en bas, les murs paraissent restreints, mais une fois l’ascension terminée on découvre deux couches de murailles séparées par un fossé de deux à trois mètres au moins, encerclant deux étroites bandes de havelîs (quoi, vous ne savez toujours pas ce que c’est qu’un havelî? Relisez vite l’article Octopussy!) temples hindouistes et palais de maharajas.

Les deux rangées de murailles
Les deux rangées de murailles
Un havelî
Un havelî…
La forteresse, vue de dessus

La forteresse, vue de dessus

Ganesh, le dieu à la tête d'éléphant, est peint sur les maisons des jeunes mariés pour leurs porter chance

Ganesh, le dieu à la tête d'éléphant, est peint sur les maisons des jeunes mariés pour leur porter chance

A l'intérieur d'un temple hindouiste

A l'intérieur d'un temple hindou

Les frèsques au plafond sont très colorées et reprennent des épisodes de la vie des dieux…

Les frèsques au plafond sont très colorées et reprennent des épisodes de la vie des dieux… (ici en bleu avec une flute, Krishna)

Nous passerons du temps à visiter ce dernier, véritable ville dans la ville. Touristique, la vile l’est d’ailleurs, mais étonnement beaucoup moins que nos escales précédentes dans le pays. Les superbes bâtiments se succèdent, même si on sait que pour la plupart il ne s’agit que de surfaces maquillant une réalité bien différente…

Le palais du Maharaja

Le palais du Maharaja…

… sa cour intérieure…

… sa cour intérieure…

… sa salle du trône!

… sa salle du trône!

Mais le temps passe et nous voici dans le bus de dix heure pour Khuri, village nain dirait-on ici, avec tout au plus trois cent âmes, et bien quatorze maisons d’hôtes toutes plus vides les unes que les autres. Notre choix ne se portera étrangement ni sur le logement le moins cher – soixante roupies indiennes (c’est à dire moins de un euro) pour l’hébergement, trois repas et douche chaude comprise – ni sur le plus confortable, mais sur un troisième… parce qu’on n’y était pas seuls : une bande de Sud-Coréens s’y était installée avant nous (je m’apercevrai après que ce n’est qu’en fin d’après-midi que les logements se remplissent)… Les chambres sont spartiates, un lit bancal avec des couvertures plus que douteuses – on découvrira plus tard qu’elles servent aussi d’amortisseurs sur les dromadaires, de matelas dans le désert… et plus encore. Le propriétaire, pour finir de nous convaincre, sortira même sa serpillière pour nettoyer des toilettes d’ordinaires condamnées, « western style » (comprenez : pas à la Turque).

Notre logement à Khuri

Notre logement à Khuri

Le toit de la chambre, vu de l'intérieur

Le toit de la chambre, vu de l'intérieur

L’ombre sous mon arbre tourne lentement, le soleil cuisant se rapproche de moi, l’air de rien. Je ne trouve pas vraiment de repos alors j’admire le vide du désert. Quand je ferme les yeux inexorablement me revient le décompte de notre retour, incarné ici par le sable dans ce sablier géant, et un nœud se forme dans mon estomac. Anoj n’est pas loin, parti chercher les dromadaires qui nous emmèneront à un village un peu plus loin.

Les dromadaires se balladent

Les dromadaires se balladent

Revenons sur Khuri.  Le lieu est ce qu’on pourrait qualifier de petit village poussiéreux : la seule route goudronnée est celle qui la traverse et les maisons sont en pisée ou en pierre de taille. Les boutiques se comptent sur les doigts d’une main, les restaurants sont inexistants (en réalité il y en a deux, le premier toujours fermé et le second ne servant qu’aux résidents de l’hôtel lui appartenant). Les chemins, inlassablement parcourus par un important bestiaire – vaches sacrées, dromadaires sacrés, chiens errants sacrés et que sais-je encore (mais sacrés) – sont un croisement entre une déchetterie et une rivière asséchée, et les enfants courent joyeusement entre les maisons (et les maisons d’hôte).

Une maison de Khuri

Une maison de Khuri

Aux abords de khuri

Aux abords du village

Le puits du village

Le puits du village

Et pourtant, on s’y sent bien, et dès le premier soir où nous y étions nous finissions à admirer le coucher de soleil depuis le toit du propriétaire, écoutant le son si étrange du chameau nouveau-né, sans nom encore après deux jours pleins de vie. Nous étions d’ailleurs surpris de la fierté de son maître, nous racontant que la chamelle lui avait été offert quelques années auparavant par une Suissesse pour qu’il s’occupe de l’animal alors bébé (enfin, si j’ai bien compris). Regarder le soleil se coucher, on aurait pu penser que c’était une passion bien Indienne : partout, de Delhi à Khuri en passant par Jodhpur, Agra, Jaipur ou Jaisalmer, une terrasse nous attendait, pour observer la petite mort de l’astre du jour, et à chaque fois nous étions fascinés…

Dromadaire nouveau-né

Dromadaire nouveau-né

Coucher de soleil sur Khuri

Coucher de soleil sur Khuri

Élodie me sortit de mes rêveries : il allait bientôt être temps de partir, les dromadaires (car, même quand je parle de chameaux ce sont des dromadaires, mais ici pour le touriste c’est un « camel », alors ça embrouille, d’accord?) étaient réunis, sellés, les pattes désentravées – pour les empêcher d’aller trop loin en les laissant quand même gambader, leurs pattes étaient liées entre elles –  prêts à l’action, ou presque : manquaient les cavaliers (dromadiers chameliers). Quatre touristes, quatre animaux, et les locaux : Anoj partagera la selle avec moi et Ojas avec une jeune coréenne, Sutchin (je l’écris comme elle le prononce), tandis qu’Élodie et Tchian sont seules, chacune sur son animal. Le groupe décolle donc (littéralement, être assis sur un dromadaire quand il se relève tient  de « Space Mountain »[à Disneyland] plus que du décollage d’un avion) pour la prochaine destination, soit encore du désert, accompagnés par les braillements des animaux (et les pets, mais on aura l’occasion d’y revenir) et les bruits incessants d’Anoj : « Hey », bruit de cigales avec la langue, claquement de cette dernière, je n’ai pas saisi pourquoi il les produisait, l’animal lui n’en faisant qu’à sa tête, mais le silence promis du désert était bien loin de nous. Pourtant, à plusieurs reprises, nous surprendrons des animaux sauvages que notre guide faisait fuir, pour ne pas les habituer à la présence humaine et qu’ils s’éloignent vers des terres plus sûres…

Décollage imminent!

Décollage imminent!

La caravane

Gazelles dans le désert

Gazelles dans le désert

Le désert du Thar n’est pas constitué uniquement de sable et de rares arbres (contrairement à ce que les photos vous montrent, comme quoi il ne faut pas se fier uniquement aux images), une végétation existe, basse et sèche qui permet aux animaux de se rassasier, et nous croiserons, quelques heures après notre départ, des vaches se nourrir, signe d’un village existant. Et ce qui  devait arriver arriva : un village. Ce sera l’occasion de faire boire les dromadaires – ben quoi, ce n’est pas parce qu’ils peuvent tenir des jours sans boire qu’il faut le faire, non ?  – acheter « un peu de vin du désert, pas fort » (Tu parles) et de jouer un peu avec les enfants!

Un village dans le désert

Un village dans le désert

Buvez, mes amis, buvez!

Buvez, mes amis, buvez!

A notre retour en France, nos proches seront-ils aussi enthousiastes de nous voir que ces mômes qui  ne nous ont jamais vu avant et qui ne nous reverrons sans doute jamais? Ou l’accueil sera-il le même qu’à Delhi, cordial mais sans plus ? Nous sommes en tout cas surpris des Indiens, et à plus d’un titre, l’accueil en premier : ils peuvent passer du parfait inconnu qui n’hésitera pas à vous bousculer dans la rue pour gagner du temps à votre meilleur ami en quelques secondes, quelques paroles suffisent pour créer le contact, qu’ils ont facile, et même si au bout du compte en ville ils souhaitent souvent vendre quelque chose ils ont ce petit côté sympathique et didactique que d’autres n’ont pas, en cherchant toujours à donner une information pertinente, et le temps passant on se prend à comprendre et même à reprendre leur gestuelle si particulière, un hochement de tête pour dire oui, merci, s’il vous plaît, d’accord, peut-être, tout ça d’un seul coup, comme ça – ceux qui le connaissent l’ont déjà fait devant leur écran, allez avouez ! Nous avons aussi traversé des terres qui font plus penser au « far west » Américain que l’original, terres arides et aucune pitié les uns pour les autres, surtout dans les transports où les hommes se battent pour rentrer, les femmes sont remisées dans un coin et où enfants ne sont même pas considérés, condamnés à se frayer une place dans le monde des adultes. Quelle stupeur que de constater que les pères n’ont parfois pas un regard pour leurs fils! Si la relation avec l’étranger est souvent cordiale, ce n’est pas vraiment le cas entre Indiens!

Certains (chameaux) Indiens sont plus accueillants que d'autres!

Certains (chameaux) Indiens sont plus accueillants que d'autres!

Le temps passe encore et après quelques temps de dromadaire supplémentaire nous nous posons sur une bande de sable pour la nuit ; le vent souffle légèrement et soulève au sol un fin tapis de sable, comme des voltes de fumée jaune. Le soleil au loin s’écrase lentement contre l’horizon, nous laissant seuls avec les étoiles naissantes qui jouent à cache-cache avec les nuages. Nous admirons.

Quelques heures de désert de plus…

Quelques heures de désert de plus…

La caravane passe…

La caravane passe…

DésertAnoj et Ojas sont dans un creux de la dune, à préparer le feu et le repas du soir, Sutchin et Tchian un peu plus loin, à prendre des photos, Élodie à quelques pas de moi, pensive.

Anoj, Ojas et les animaux sur le suite du campement pour la nuit

Anoj et les animaux sur le site du campement pour la nuit

Elodie devant une dune

Du haut de la colline

Du haut de la colline

La nuit tombe sur le désert du Thar

La nuit tombe sur le désert du Thar

Lorsque la lumière ne fut plus suffisamment présente, nous descendions rejoindre le groupe autour du feu maintenant actif, pour engager la conversation – et boire cet ignoble « vin du désert », une eau de vie surpuissante pourrait-on dire, car lorsqu’Anoj en jettera quelques gouttes dans le feu, c’est une colonne de flammes qui s’élèvera dans les airs! Le repas – identique à celui de midi, et à ceux du lendemain d’ailleurs – se fera dans le calme, interrompu seulement par des coups de téléphone reçu par le guide (oui, on a beau être dans le désert on capte encore le réseau GSM) et quelques coups de tonnerre dans la soirée couverte. Nous trainerons ensuite les « amortisseurs » des dromadaires à quelques pas du feu, pour nous installer pour la nuit ; inutile de préciser que ce soir là c’est sac de couchage ET sac à viande pour nous, surtout quand on voit l’état des couvertures fournies…

Le repas autour du feu…

Le repas autour du feu…

Nous serons accueillis le lendemain soir par des acclamations enjouées lorsque nous leurs résumerons notre nuit :
« Mais c’est extraordinaire ce qu’il vous est arrivé! Incroyable, quelle chance vous avez eu! »
Nous n’étions pas fondamentalement d’accord. Certes il ne pleut quasiment jamais dans ce désert (les plus longues périodes de sécheresses durent jusqu’à sept ans dit-on) mais nous aurions préféré que l’exception ne se produise pas la nuit où nous dormions « à la belle étoile » (car pour le coup ce n’était qu’une expression). Peu de temps après s’être couché, les coups de tonnerre redoublerons d’intensité, et, contrairement à ce qu’Anoj nous promettait, ils ne restaient visiblement pas cantonnés à la frontière Pakistanaise et vinrent à notre rencontre, déversant au passage un déluge de pluie ; bien évidemment, le premier village était à plusieurs heures de trajet, et pas question de le faire de nuit! L’orage se finira à quatre heure du matin environ, et entre les deux nous nous abriterons sous les plus en plus lourdes couvertures devenues abris anti pluie, anti sable, anti… sommeil! Je finirai par sombrer, quand même, après avoir admiré, sur les coups de cinq heure, un spectacle de toute merveille offert par le royaume des sables aux lumières artificielles inexistantes, un ciel rempli d’étoiles comme je n’en avais jamais vu avant, un spectacle sans pareille, féérique, que je ne voulais pas quitter, conscient que c’était sans doute la dernière fois avant des années que je pourrais observer une telle quantité de points dans le ciel obscurci…

La nuit étoilée…

La nuit étoilée…

Réveil humide!

Réveil humide!

L’Inde, quel pays stupéfiant! Pendant notre périple autour du monde et même avant, nous avons tout entendu sur ce pays, le meilleur comme le pire, les histoires d’enfants qui se jettent sur toi pour de l’argent, les bidonvilles sur-dimensionnés, les femmes qui veulent vendre leurs enfants, les cadavres dans la rue, et pourtant toutes les personnes y étant allées avant nous nous disaient toujours la même chose : j’y retournerai, alors forcément, nous étions… déboussolés, perdus, sceptiques selon les cas. Un pays à voir de nos propres yeux, à expérimenter, avec sa propre culture, et lorsque nous l’avons découverte, qui nous marque. Il est toujours étrange, même après des semaines à marcher de rues en rues dans le Rajasthan, de croiser un bovin au détour du chemin, ou un monticule d’ordures sur lequel des enfants des rues jouent, sans nous apercevoir parfois. Un gouffre de différences séparent l’Europe et l’Inde, et c’est peut-être en cela que les gens reviennent bouleversés, une patrie unique en son genre avec sa culture, sa religion énigmatique pour les non-initiés, son propre cinéma, sa langue et son écriture, son mode de vie millénaire qui amène certains étrangers à se révolter quand bien même les Indiens s’en accommodent depuis des centaines d’années… C’est tout cela l’Inde. Nous en reviendrons nous aussi marqués, émus, changés peut-être…

Un pays si différent du notre…

Un pays si différent du notre…

Le lendemain matin, après un copieux petit déjeuner (chaï tea, chapati sucrés, quel régal au lever) la scission du groupe à lieu : les Coréennes rentrent au village avec Ojas, tandis qu’Anoj, Élodie et moi-même continuons le périple pour la journée : tant qu’à être au milieu du désert, autant en profiter au maximum! Nous repartons donc sous un ciel matinal radieux chacun de notre côté, et nous nous enfonçons encore plus dans la mer de sable et de plantes sèches – enfin, un peu moins depuis cette nuit.

Le lendemain matin…

Le lendemain matin…

Prêts à repartir!

Prêts à repartir!

Après un long moment à subir les bruitages d’Anoj (c’est moins rigolo au bout de trois heures) nous nous arrêtions quelques minutes dans un village encore plus petit que les autres, près d’une maison qui semblait spéciale pour le guide : je crois que nous étions dans sa famille. On nous offrait du thé, on voulait tout savoir de nous, mais la différence de langue aura très vite raison de la conversation, car nous n’avions pas prévu de parler longtemps et donc pas pris le G’palémo, ce petit livre d’images qui, s’il n’aide pas beaucoup à faire avancer la discussion, émerveille toujours nos interlocuteurs.

Village à l'horizon!

Village à l'horizon!

La vaisselle ne se fait pas avec de l'eau là bas…

La vaisselle ne se fait pas avec de l'eau là bas…

Un moment après la pause, nous repartions de nouveau, en direction de Khuri cette fois ci, d’un pas (de chameau) décidé. Ces animaux ont des ressources étonnantes à tous les niveaux : ils boivent comme des trous sans fond et peuvent ensuite se retenir de boire pendant des jours, ils aiment semble-t-il la liberté mais font une tête pas possible avant d’être harnachés, ils sont considérés comme des animaux nobles mais font des bruits relativement indécents (ils pètent, ils rotent, urinent et défèquent à l’envi), sans parler de l’odeur diabolique qui s’échappe si vous avez le malheur d’être près de leur bouche lorsqu’ils l’ouvrent! J’aurais même « la chance » de m’approcher au plus près de « la bouche de l’enfer », en devant aider notre guide à faire avaler un produit médical de force à un dromadaire, qui essaiera par tous les moyens de le recracher… Et ils nous emmenaient sans broncher, jour après jour, touriste après touriste.

Les dromadaires, ces animaux extraordinaires…

Les dromadaires, ces animaux extraordinaires…

Oui, c'est de toi qu'on parle!

Oui, c'est de toi qu'on parle!

Le soleil de midi les libéra, quand nous sentions que nous allions nous liquéfier sous la chaleur, et ils purent, une fois entravés, gambader de leur côté alors que nous commencions le repas. Anoj à l’épluchage des pommes de terre, Élodie allait se mettre à l’abri de la lumière (les premiers effets secondaires de notre traitement anti-palu commencé pourtant quatre mois avant) et j’aidais le cuisinier à maintenir le feu, un cauchemar en plein soleil! Nous profitions enfin du silence.

Repas de midi…

Repas de midi…

Les conditions de cuisine n’étaient pas très bonnes, et pourtant nous avons, pendant toute l’excursion, bien mangé. Il faut dire que la cuisine Indienne est sans doute une de celles que nous avons le plus apprécié, avec ses saveurs uniques, fruit de l’union de nombreuses épices et de légumes goûtus, de différentes méthodes de cuisson, même les plus récalcitrants craqueraient devant cette cuisine! Une magie des couleurs, des textures uniques qui m’ont réconciliés avec les épinards, les choux fleurs et bien plus encore! Les Indiens sont pour une bonne partie végétariens, on ne trouve donc que rarement des viandes à la carte (et encore plus rarement quand on enlève le poulet!) et nous découvrions, dans la continuité des autres pays asiatiques, le plaisir de manger de bon plats sans protéines animales, qui changera, peu à peu, la philosophie de vie d’Élodie, qui en rentrant souhaite ne plus consommer de viande – plus comme avant en tout cas.

La nuit suivante, nous la passerons de nouveau à Khuri, toujours dans la même guest-house, toujours entouré de nos Coréens – ceux qui s’émerveilleront de gens qui dorment sous la pluie – autour du feu, nous échangerons sur la vie ailleurs, en Corée, en Inde, en France. Ce soir là était d’ailleurs assez spécial pour les Coréens, et ils faisaient pour cela une petite fête où nous étions conviés à déguster, en parlant de nourriture, une soupe de poulet avec des cacahuètes grillées au feu, des traditions pour porter bonheur. Espérons que ça marche. Jusque là, tout va bien.

Repas Coréen en plein désert Indien

Repas Coréen en plein désert Indien

Il est quatorze heure et le soleil tape fort. Nous nous sommes mis à l’abri sous un arbre, mais encore une fois je ne peux pas trouver le repos, alors je regarde au loin, et je repense à tout ce que nous avons vu comme paysages magnifiques dans cette région du Rajasthan, partie de l’immense Inde que nous allons trop vite quitter : la ville de Delhi, que nous aurons à peine effleuré, Agra, avec le Taj Mahal, Jaipur et le palais des Vents, où j’aurai enfin pu voir en vrai mes parents, enfin, après tant de mois et d’hésitations… Puis Udaipur, la ville des lacs et des palais magnifiques, Jodhpur et le fort de Mehrangarh, incroyable citadelle, tous ces lieux dignes des « Contes des Mille et une Nuits », toutes ces aventures, ces rencontres parfois fortuites avec les autochtones qui sont autant de belles surprises, ces femmes vêtues de sari colorés à l’extrême, du bleu nuit au orange fluo, et ses hommes du plus simple au plus élégant, en blanc avec son turban, toujours symbolique de son appartenance ou de son rang.

Portrait d'enfants, Udaipur

Portrait d'enfants, Udaipur

Femme sous un arbre, Udaipur

Femme sous un arbre, Udaipur

Hommes d'une famille Indienne

Hommes d'une famille Indienne

Passé le pic de chaleur, nous repartions, et je continuais à dérouler le fil de mes pensées tel le fil d’une pelote dont il fallait absolument aller au bout. J’avais oublié dans ma liste l’endroit où nous étions en ce moment :  ce désert, majestueux autant qu’un palais, désiré par les maharajas pendant des siècles, arrosé du sang des victimes des guerres successives pour sa possession, bijou sur une couronne, royaume à lui tout seul. Dans quelques minutes, nous retournerions dans la civilisation dont je voyais déjà les traces au sol, incarnée par des pneus de voiture et de nombreuses empreintes de pas, dans quelques heures, nous retournerions à Jaisalmer, et dans quelques jours nous serions… de retour en France. Déjà un an. Dès qu’un moment de vide arrivait, une foule de questions revenais envahir mon esprit : comment allait se passer le retour? Qui allions nous retrouver, des êtres connus ou des personnes complètement changées? On nous avait promis des changements dans notre façon de voir que je ne ressentais pas encore, des différences… Qu’allions nous faire de nos vies? Une fois là bas, nous serions dans notre « patrie »… Et après?

Elodie devant le desert

…Et après?

…Et après?

 

 

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déjà 5 commentaire, réagissez à ceux ci ou commentez vous aussi à “Le Royaume des Sables”

  1. olivia dit :

    Quel spectacle, merci pour toutes ces photos magnifiques ! « Biensûr » que vous avez changé, comment ne pas voir la vie différemment après un tel voyage, quel enrichissement ! Autre certitude : nous étions fous de joie, vraiment excités, impatients, de vous retrouver ! Nous avons quand même essayé de maîtriser un peu notre enthousiasme afin de vous laisser atterrir tranquillement et respecter vos émotions embrouillées… Lou Ann a bien changé elle aussi en 1 an mais comme vous avez pu le constater, elle n’avait assurément pas oublié son parrain et sa marraine !!! Parfois elle se lève le matin et elle me dit : ça y est maman est ce que Fabien et Elodie viennent manger ce soir ? Gros bisous

  2. Jacky dit :

    …et après ? … le retour a eu lieu… des changements ont eu lieu …vous avez changé, en tout cas on vous apprécie tel quel …ne gommez rien car vous tenez là de quoi vous nourir toute une vie … et donner un certain sens à votre vie…

  3. francine dit :

    que dire ! olivia et jacky vous ont déja transmis ce que je ressens également au plus profond de moi , l’immense bonheur de vous avoir retrouvé et le sentiment mêlé à une certaine fierté que ce voyage vous a beaucoup changés grandis ,enrichis
    et comme tu m’as dit Elodie « ça été une rencontre avec moi même « … . bravo les jeunes ! et merci pour toutes ces belles images et commentaires

  4. Juju dit :

    j’ai bien voyagé avec vous en tout cas !! le « décollage du dromadaire » ça ne s’oublie pas ^^
    à bientôt les zamis

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