Le monde perdu

Il n’y a que deux solutions pour arriver au village de Tortuguero : prendre un bateau… ou prendre un bateau. Et faites attention aux crocodiles ! Tortuguero est un petit village comme on n’en croise pas tous les jours, situé dans des marécages et des mangroves. A l’ouest à deux cents mètres, c’est les canaux et à l’est à deux cents mètres c’est la mer des Caraïbes. Voilà qui fait bien mon affaire, je suis prise au piège, encerclée d’eau.

Plage Tortuguero mer des Caraïbe
La plage de Tortuguero face à la mer des Caraïbe

Ce village a des allures de bout du monde. Et pourtant il ne nous aura pas fallu tellement de temps pour nous y rendre, disons qu’il faut alterner les modes de transports dont un dernier plutôt original. De San Jose, nous prendrons un premier bus en direction de Cariari pour une durée de 1h45. Nous voyagerons presque debout, c’est à dire assis dans les escaliers de la porte du fond. Nous prendrons ensuite un second bus plus local – nos voisins sont tous noirs – et partons vers La Pavona, la route durera une heure. Vous vous souvenez de l’article à propos du café ? Dans la région que nous traversons, ce n’est pas quelques hectares mais des centaines et des centaines d’hectares de plantations de bananes. Nous restons bouche bée, une industrie de la banane ! Et pour vous dire, nous en mangeons à tous les repas depuis trois semaines, sous toutes les formes ! Mais je m’égare, La Pavona est notre dernier point de chute terrestre si je peux m’exprimer ainsi. Après avoir récupéré nos bagages, nous nous dirigeons vers une espèce de petite rivière maronnasse tous deux accompagnés par un nuage de moustiques. Chouette, nous ne voyagerons pas seuls. Près du bord de l’eau, c’est le dépaysement total en un rien de temps. Tout d’abord, d’une organisation à peu près carrée (soyons sympa envers ces ticos qui se démènent pour être à peu près à l’heure depuis le début) à des conditions beaucoup plus « roots ». Il n’y a pas de ponton, il faut descendre par des hautes herbes et marcher sur un bout de terre glissante de trois mètres carrés. Il n’y a pas de port d’amarrage, les barques sont posées sur la terre, les fesses dans l’eau sans corde, sans pas grand chose d’ailleurs. Nous grimpons à l’intérieur avec nos gros sacs sur le dos, légèrement déséquilibrés. Les barques sont deux espèces de pirogues, donc très proche de l’eau, où trois sièges s’alignent de gauche à droite sur une dizaine de rangée. Elles sont déjà remplies de grosses flaques d’eau, la protection de ses passagers ne tient que par une petite bâche tendue maladroitement au dessus de notre tête. Nos sacs à dos ne seront pas mieux logés, ils seront posés à l’avant à même le sol empilés les uns sur les autres pour former une pyramide. Je n’ai pas eu le temps de les mettre en « fly bag » en descendant du bus et je regrette car pour la première fois depuis notre départ, oui, j’ai eu peur pour nos bagages. Au moindre mouvement brusque, ils passent à l’eau (évidemment pour couronner le tout, le mien est posé en bout de chaine sur la pyramide).

Mais quelle idée ! Mouvements brusques il n’y aura pas, notre vitesse est beaucoup trop lente !
Et c’est tant mieux, le moteur est silencieux, nous profiterons du paysage pendant la navigation.

J’ai les yeux qui brillent, je réalise que je suis en train de me diriger dans un environnement qui m’interpelait depuis petite : la jungle tropicale, les marécages, les centaines de rivières noire-marron, bref l’Amazonie. Je vous sens déjà réagir à cette réflexion… laissez moi vous expliquer. Tortuguero est bien plus qu’un village en lisière d’un canal et d’une mer, c’est une immense réserve protégée (pour différentes raisons passionnantes) réserve surnommée la petite Amazonie du Costa Rica.

Canaux de Tortuguero

Tortuguero

C’est aussi le reflet de ce à quoi ressemblait toute la côte Caraïbe tel que Christophe Colomb la découverte mais en bien plus petite aujourd’hui. Ici les arbres prennent racines dans l’eau, les feuilles font la taille d’un homme et les animaux s’expriment largement plus fort que nous pauvres humains. Fermez les yeux et imaginez vos fantasmes de gamin : vous êtes explorateur chapeau sur la tête, jumelle autour du cou et vous avancez silencieusement dans une pirogue sur de petits canaux maronnasses sans en voir le bout. A chaque bruissement de feuille se cache un animal, à chaque tronc d’arbre flottant peut-être un caïman (si si ! Nous en avons vu des vrais de vrais, des vivants, et aussi un gros crocodile faisant bronzette).

Canaux Tortuguero
Les locaux se déplacent en barque. Mais je ne vois vraiment pas ce qu’ils pêchent.

Après une heure trente de navigation calme, nous débouchons sur un grand canal et le village se présente enfin à nous, Tortuguero.

Tortuguero

Tortuguero

Tortuguero est construit sur un bout de terre flottant, un marais. Les habitants sont particulièrement dépendants des mouvements d’eau, il suffit d’une matinée de grosse pluie pour que certains sentiers soient inondés. Ainsi la voie principale est surélevée et beaucoup de maisons sont sur de petits pilotis.

Maisons de Tortuguero

Maisons de Tortuguero

A Totuguero l’ambiance est chaude (pas comme vous le croyez ! ou peut-être mais on ne l’a pas expérimenté), il fait 36 degrés en moyenne toute l’année et le taux d’humidité est très très élevé (le plus élevé du pays). Nous sommes entourés d’eau sous toutes ses formes sauf peut-être la glace, bien que stockée dans les frigos pour faire régulièrement des boissons glacés pour se désaltérer ; impossible donc de garder ses vêtements propres et secs. Le rythme de vie aussi a changé du reste du Costa Rica. La population est majoritairement d’origine jamaïcaine, elle vit au gré des variations de températures et de la météo. Il pleut ? Les gens sortent pour profiter de l’air frais, à l’abri sous une terrasse, et bavardent avec les voisins. Il fait beau et chaud ? Les gens sortent dehors, restent sous une terrasse pour bavarder avec les voisins. Un matin en buvant notre café dans un petit restaurant, nous avons été témoin d’un jeune jamaïcain fabriquant des bracelets assis par terre, se lever toutes les vingt minutes pour faire quelques pas vers ses voisin, échanger deux mots puis toujours revenir à son point de départ. Une heure trente plus tard, affichant un air très déterminé, il sait où il va, il s’éloigne définitivement. Nous quittons quant à nous notre terrasse pour rejoindre le centre un peu après lui. Mais sur notre chemin, qui voit-on ? Notre jamaïcain assis chez le voisin d’à côté sur les escaliers à discuter ! Voilà son programme de la journée, nous ne sommes pas sûr qu’il puisse rejoindre le bout du village dans la journée, à force de s’arrêter pour parler. Ainsi l’activité principale de Tortuguero semble être guide la matin à la fraîche et s’assoir le reste de la journée chez le voisin d’à côté.

Enfants de Tortuguero
Journée pour un enfant à Tortuguero, vélo et réunion entre amis sur le porche de la maison.
Tortuguero
Pas de voiture ici !
Repas au Costa Rica
Repas dans le jardin de notre auberge, au menu : nachos, avocat et un ananas entier pour deux (il ne coute que 80 centimes !)
Tortuguero
On prend le rythme…

Tortuguero est aussi un lieu rempli de bestioles en tous genres avec une légère prédominance pour le moustique, en tout cas c’est celui qui nous aura le plus tenu compagnie. Curieusement le second animal présent est sont pire ennemi : le gecko. Ensuite vient peut-être l’araignée, la belle, la diabolique, celle qui pour te prévenir de son danger potentiel affiche une sorte de tête de mort sur son corps. Très jolie mais vraiment effrayante. Nous en croisons régulièrement sur notre chemin près des arbres et je n’aime pas ça. Vous l’aurez compris, ce lieu n’est pas un immense jardin tout il est mignon pour touristes trop curieux mais c’est la nature, la vraie, comportant quelques éléments sympathiques et d’autres beaucoup moins (il existe par exemple un serpent qui me fait frémir chaque fois que je pars en ballade, le fer de lance. Sa morsure provoque la mort en trente minutes !). Vivre dans un éco système pareil est incroyable. Nous avons quitté notre univers classique et pépère de ville-campagne-montagne gentille, pour être propulsé de force dans un lieu où nous ne sommes pas franchement les plus forts. Passionnant !

Araignée du Costa Rica
Elle est grande et je ne l’aime pas vraiment… pourtant elle est de partout sur nos sentiers ! Il faut ouvrir grand les yeux afin de ne pas rentrer dans sa toile.

Et pour découvrir la réserve de plus près, nous choisirons d’emprunter les nombreux canaux en petite barque non motorisée (afin de ne pas effrayer les animaux) avec guide, Louis le jeune fils de Don Chico. Vous trouverez leur maison derrière le restaurant « Miss Miriam », leur tour est vraiment agréable et intéressant. Ils connaissent la réserve par cœur et leur prix est dix dollars en dessous des autres (comptez quinze dollars par personne pour 3h de navigation avec eux).

Tortuguero
Louis a des yeux de mutant d’après moi. Toutes les dix minutes, il nous pointe du doigt ce qui sera pour moi à première vue une espèce de feuille ou de branche… Mais une fois planté bien devant, là où un myope pourrait le distinguer, il n’y a plus de doute, un animal se dévoile…

Iguane
Ou est l’iguane ?
Iguane
Il est peut-être plus visible dans un arbre.
Oiseau au soleil
Oiseau faisant sécher ses plumes. Il reste dans cette position pendant quelques heures l’après-midi.

Oiseau

Petite tortue

Petite tortue immobile au soleil pour se faire sécher.

Basilic

Basilic (pas celui de Harry Potter)

Tortues

Encore des petites tortues, nous en avons vu une bonne centaine.

Caïman

Caïman, aïe aïe...

Singe Capucin

Singe Capucin

Caïman

Un autre caïman ! Cela n'a pas l'air très aimable cet bébète.

Ce circuit sur les canaux était tout simplement magique. Nous avons vu de nombreuses espèces très différentes et inconnus dans leur milieu naturel – pas au zoo – et souvent à seulement quelques mètres de nous. Le circuit est aussi très reposant. Louis pagayait pour nous la plupart du temps et nous naviguions dans une tranche horaire très peu demandée (14h – 17h). Nous étions donc seuls, sans un bruit. Nous n’entendions que notre barque glisser doucement sur l’eau et le cri des animaux dans les arbres. Nous sommes revenus particulièrement détendus de ce tour. Je ne regrette pas d’être venu à Tortuguero, il règne ici une ambiance entre le paisible et le sauvage, une ambiance de bout du monde. Ce sera un des endroits qui m’aura le plus marqué au Costa Rica et je pense sincèrement y revenir un jour.

Tortuguero
Il faut reconnaître aussi que dans cette réserve, j’y ai vécu un moment très fort et particulièrement unique, justifiant à lui seul mon envie de venir au Costa Rica (si vous me demandez encore pourquoi sommes nous venu pendant la « saison verte », voilà la raison…).

Ce que je vais vous raconter dans cette histoire…
Ce sera pour la prochaine fois !

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