La poussière rouge du Ratanakiri

Sokha me pointe du doigt des arbres : « Tu connais ? ». Ce sont des « caoutchoutiers ». On perce l’écorce de l’arbre, on glisse un petit réservoir juste en dessous et on attend. La sève coule tout doucement, cela donnera plus tard du caoutchouc. « Et ça, tu connais ? » On dirais des grosses mauvaises herbes et pourtant, c’est une racine très cultivée permettant de nourrir un paquet d’habitants en Asie : le manioc. Il me pointe enfin un petit arbre touffu mais pas très gros : « C’est des noix de cajou ! ». Ouah ! Je me retourne brusquement, persuadée que la noix de cajou ne pouvait pousser dans les arbres. Nous passons devant à toute allure. Légèrement déséquilibrée, je réajuste mon casque et essuie mon visage déjà poussiéreux. Sokha esquive les nids de poule, adapte sa conduite et zigzague entre les plantations. Mon fessier est mis à rude épreuve. Le moteur vrombit à la fin de chaque virage. On se croirait sur une piste de stock-car, les figures en moins mais les adversaires oui. Un klaxon résonne derrière nous, me perçant les tympans, je fronce les sourcils. Notre moto ralentit son allure. Sokha, homme de la situation, connaît le scénario. Il appuie son casque et pose sa main sur son visage. La camionnette commence à nous doubler. Elle est remplie de marchandises à livrer aux villages reculés de la province, ceux qui n’ont pas le plaisir du bitume jusqu’à chez eux. La camionnette soulève à son passage un gros nuage compact maronnasse sur plusieurs centaines de mètres. La végétation prend des couleurs automnales. Je ferme les yeux. Ils me piquent. Mes narines se remplissent de terre et ma salive croustille. C’est normal docteur ? Sokha pouffe de rire et moi aussi. Mes vêtements eux, s’ils avaient pu s’exprimer, auraient poussé un sacré coup de gueule.

La poussière rouge du Ratanakiri

La poussière rouge du Ratanakiri

Aujourd’hui, je vais vous raconter nos aventures dans la province du Ratanakiri.
Même après plusieurs lessives, impossible de les effacer.
Nous posons les pieds à terre et Fabien qui arrive derrière avec un second chauffeur se moque de moi en découvrant mon visage.
T’es pas mieux toi !

Nous venons d’arriver au Cambodge, dans une région située au nord-est du pays, tout en haut. Nous logeons dans le chef lieu de la province à Ban Lung, en retrait de l’agitation centrale, préférant élire domicile dans notre maison à nous, une petite cabane en bois bien typique du coin, construite dans un jardin avec vue imprenable sur le lac (« Lakeside Chheng Lok Hotel »). On prend vite nos marques et le voisinage nous repère dès notre premier passage. Des français sont ici ! La nouvelle fait le tour du pâté de maison en seulement quelques heures. Ban Lung ne contient que dix sept mille habitants. Ville poussiéreuse à une heure de route de la frontière la moins fréquentée au monde (c’est l’effet que cela nous a fait), elle n’accueille que très peu de voyageurs et encore moins de personnes comme nous sédentaires pour une semaine. C’est une des régions les plus isolée du Cambodge avec le Mondolkiri. Les bêtes curieuses, c’est dorénavant nous, nos voisins nous fixent à chacun de nos passages devant leurs maisonnettes.

Maisons du Cambodge

Un de nos voisins

Les adultes ont un air béat et se grattent la tête. Les enfants eux, plus polis, s’arrêtent de jouer pour nous faire de grands signes et crient sans relâche « Hello ! Hello ! » avant de reprendre leurs activités. C’est trop mimi. Le Ratanakiri sera notre terre d’accueil au Cambodge… et quel accueil !

Gamins du Ratanakiri
Une poignée de gamin, enfants des rues pour certains, courent derrière nous pour nous extirper un « hello » et enchaîner comme un écho qui ne s’arrête jamais. « Hello », « Hello » répond Fabien. « Hello » reprend l’enfant, « Hello » sourit Fabien, « Hello » recommence-t-il, « Hello ». Je souligne à Fabien que ce petit jeu peut durer des heures et que l’enfant se fatiguera bien moins vite que lui… Déjà deux cent mètre plus loin, Fabien se retourne, curieux, l’enfant est toujours là fièrement dressé sur sa colline de terre improvisée, affichant un de ses plus beaux sourire en notre direction « Helloooooo ! » continue-t-il.
« Bye bye » conclu Fabien en levant haut les bras en signe d’au revoir. Mais nous sommes déjà pris en traitre, au virage suivant, une horde de petites têtes a entendu le cri de guerre du premier et est prête à dégainer ses armes. Nous nous faisons attaquer de tous les côtés, ne sachant que faire face à cette pluie de « Hello », si ce n’est de rire de bon cœur avec eux.

Les parents quant à eux faisant une sieste dans leur hamac sous leurs maisons, réveillés par leur bambins, se lèvent pour nous surprendre avec de beaux sourires. Ah si même les adultes s’y mettent ! (ils ont signé un contrat avec Colgate ??)

Le sourire des cambodgiens

Les gamins du Cambodge ont toujours la banane ! Même tout nus !

Le centre ville de Ban Lung ne se compose que de quatre rues principales avec en son centre son marché. Le tour est vite fait et la ville n’a rien d’extraordinaire. Pas mal de déchets jonchent le sol et les routes sont poussiéreuses. Un peu de pluie, c’est une marre de boue ; un peu de soleil et de vent est vous mangez du sable en permanence. La terre du Ratanakiri, quoi que vous décidiez, finira par vous coller à la peau.

Ban Lung Cambodge

La rue principale de Ban Lung

L’activité pourtant bat son plein surtout le dimanche et dans les restaurants khmers (on les reconnaît grâce à l’enseigne d’une marque de bière allumée le soir où l’on nous a servi des plats excellents et offert du thé et du riz à volonté) lorsque les habitants de la région viennent au marché pour vendre ou acheter. Il y a un peu partout des stands de nourriture, des fruits délicieux, des odeurs fortes côté viande crue et des marchands qui ne marchandent pas sur leurs marchandises. On y trouve aussi beaucoup d’artisanat local des minorité ethniques des alentours.

Marché de Ban Lung

Au marché de Ban Lung, il y a de l'ananas pour tout le monde !

Marché de Ban Lung

La partie viande n'est jamais un succès pour nous...

Jeune cambodgienne au marché

En effet, cette région du Cambodge est encore peuplée par de nombreuses ethnies que je soupçonne pour certaines communes à celles des hauts plateaux du Vietnam près de la frontière. Les différents villages vivent encore sous un système proche de celui dit « communautaire ». Isolés du reste du pays, ils ont maintenu leur culture, leurs traditions mais aussi leur langue. Complètement hors système, le gouvernement laisse ces villages vivre librement sans taxe mais en échange ne leur apporte aucune aide. C’est pourquoi ces villages sont si souvent loin et inaccessibles, ni par voiture et encore moins par bus. A l’ombre des arbres gigantesques, les communautés du Cambodge, principalement regroupées dans le Ratanakiri et le Mondolkiri, vivent dans d’immenses forêts protégées avec pour seuls moyens de déplacements : la longue marche à pied ou la pirogue à moteur.

Livraison de noix de coco à Ban Lung

Livraison de noix de coco à Ban Lung, il m'en manquait tiens !

Sokha est un jeune guide. Il travail pour « Perroquet Tours », une agence familiale située dans la rue principale de Ban Lung. Son grand frère tient les rênes.  Sokha est très jeune en fait, il est encore étudiant. Il s’est passionné pour la langue française dès son enfance et passe de nombreuses heures à papoter avec son père… son père qui parle, lui, couramment, français. Et oui, son enfance remonte à l’Indochine. Ce jeune guide, encore maladroit de temps en temps, débute. Nous aurons la chance de l’avoir à nos côtés pour le weekend ; le reste de la semaine, il étudie le français. « Je parle mieux que le professeur » dit-il en rigolant. Sokha s’avéra être une personne sincère, ambitieuse, timide aussi mais souriante. Un point pour toi ! On se souviendra de toi Sokha !

Notre première vadrouille hors de Ban Lung sera donc avec lui, moi derrière sur son scooter à zigzaguer entre les nombreuses bosses et les nids de poule sur une piste poussiéreuse à observer les arbres caoutchouc et noix de cajou. Nous aurions pu le faire de manière autonome mais l’idée d’aider ou d’encourager ces jeunes locaux nous a séduit. Sokha nous guidera à trente minutes de moto-bike dans une petite forêt où vivent quatre maisons communautaires. Nous sommes là pour nous approcher d’une cascade (Chaa Ong Ka Tieng) mais surtout pour faire un truc inédit dans notre voyage : un trek à dos d’éléphant !

La cascade

La cascade

Sokha avec nous, toujours souriant.

Notre cher pachyderme étant déjà en marche avec deux autres voyageurs, nous devons attendre un petit quart d’heure. Un des habitants vend tout un tas de friandises locales, l’occasion pour nous de raviver des souvenirs en nous offrant un délicieux jus de canne à sucre. Entre celui offert par la finca du Costa Rica et celui-ci, rien avoir ! La canne à sucre du Cambodge n’est cultivé que pour boire son jus, contrairement au Costa Rica qui en fait du sucre. Une fois broyée, mélangée à un quart d’orange parfois (huum…), une fois l’extrait récolté et mélangé avec une toooonne de glace, ce jus est délicieux. il est aussi bien rafraîchissant car depuis notre arrivée au Cambodge, nous sentons un écart de températures avec le Vietnam. Il fait plus chaud et plus humide comme si la mousson venait de se terminer (ce qui n’est pas faux).

Jus de canne à sucre

Jus de canne à sucre

Notre ballade à dos d’éléphant ne sera pas un souvenir incroyable ni mémorable mais aura l’avantage d’être une expérience originale, loin de nos contrées françaises. Notre animal s’avéra buté, un estomac sur pattes bien souvent, mais sera un compagnon de choix pour traverser des forêts denses loin des sentiers battus. Mais dieu que c’est lent à avancer comme animal !… C’est ce que nous confiera Sokha. Oui, on est d’accord !

A dos d'éléphant

Les excursions du Ratanakiri (du Cambodge en général, mais on le découvrira plus tard) ne sont pas données. Celle du trek de une heure en éléphant combiné avec les cascades et deux chauffeurs moto-bike, est à 30 dollars. Les départs à la journée peuvent vite grimper à 80 dollars par personne et les treks de deux jours dans la forêt sont à 140 dollars en moyenne. La région nous plait, surtout ses habitants ; et le manque de moyen ne nous décidera pas à la quitter bien au contraire, cela nous poussera à expérimenter un nouveau mode de transport. Après de longues heures d’hésitation, Fabien se décide, pas sûr de lui, à louer un scooter pour la journée. Il est à 5 dollars, de quoi tenter pas mal de gens.

Le jour du grand départ sur les pistes du Ratanakiri, la prise en charge de notre scooter est un peu compliquée. Sur le parking, nous avons bien un scooter qui nous attend, une chaîne antivol, une clef pour démarrer le moteur, des feux qui fonctionnent… mais pas de casque. Cette fâcheuse manie des cambodgiens à ne pas se protéger la tête ! Nous rouspétons, le loueur essaye de nous forcer la main « Non pas besoin de casque ici, ne vous inquiétez pas ». J’insiste. Non c’est non, nous voulons deux casques et j’annule tout si je n’en ai pas. L’ami de notre loueur – qui n’a rien avoir avec l’histoire – cède et nous prête son propre casque. C’est parti !
Après un premier départ sur les chapeaux de roues (le scooter a démarré en trombe), nous voilà à circuler sur les pistes de la région, au milieu des autres véhicules cambodgiens, à faire fi nous aussi du code de la route ( un peu moins que eux quand même…) et à user du klaxon plus que raisonnablement. La circulation est moins dense qu’au Vietnam et Fabien sera parfaitement à l’aise. A notre passage, les enfants nous sourient, nous crient « Hello » et nous font de grands signes. On se sent bien sur notre petit scooter à rouler sur les routes jusque là inaccessibles à pied et à découvrir notre environnement voisin librement. On se sent un peu plus proche de ce pays. Une heureuse initiative cette location de scooter !

Fabien sur sa monture

Station service au Cambodge

Faire son plein au Cambodge... ? Nous l'avons fait !

Nous arrivons enfin à notre but ultime : le lac Yak Loam. L’entrée pour les étrangers est de 6 000 riel par passager. Ancien grand cratère volcanique, le lac recouvre la partie creuse, au milieu, entouré d’une végétation luxuriante. Le coin est protégé, permettant le maintien d’une jungle tropicale dense sur plusieurs hectares autour du lac. Il est possible de randonner mais nous ne sommes pas venus pour ça, alors place au lac ! Des pontons sont aménagés autour et des petites cabanes en bois peuvent être louées la journée. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’habitants locaux qui profitent de leur après-midi farniente sur les bords du lac en famille et à pique-niquer. A l’entrée du site, plusieurs mini-restaurants peuvent vous livrer dans votre cabane improvisée votre repas du jour. Les bières aussi sont disponibles et nos amis cambodgiens ne se privent pas. On découvre avec sourire leur penchant pour cette boisson alcoolisée… La chaleur moite ambiante nous pousse très vite à nous jeter à l’eau, une eau non rafraîchissante proche des 34 degrés.

Forêt dense !

Des arbres avec des branches autour, avec des lianes qui entourent et d'autres lianes qui poussent!

Le lac Yak Loam

Le lac Yak Loam

Le lac Yak Loam

Difficile de résister

Le soleil se couche vers 17h au Cambodge. Pour une fois, nous avons l’avantage du scooter et nous en profitons pour partir boire un verre dans une gargote un peu loin de chez nous au Coconut Shake Restaurant ; parait-il qu’il fait les meilleurs coconut shake de la ville. Excellent il fut et nous concluons cette super journée grâce à lui ; des petits plaisirs exotiques que l’on ne refuse pas (je sais en France, il fait froid). Ce sera avec regret que nous rendrons les clefs de notre véhicule motorisé.

Couché de soleil près de chez nous

Couché de soleil à la terrasse du Coconut Shake pour conclure une belle journée

Mais nos aventures ne sont pas finies, bien au contraire ! Le lendemain nous avons rendez-vous avec notre agence à 8h30 pour une expédition toute la journée à la rencontre des minorités ethniques. La route sera longue, une heure de moto-bike nous attend et le bitume sera inexistant. La terre est sèche en cette saison et à chaque passage de jeep de gens plus fortunés que moi, je maudis le chauffeur qui me colle aux fesses et qui me double à seulement quelques centimètres soulevant un nuage ocre de poussière. Je n’ai pas de visière, simplement mes petites lunettes de soleil et je plains mon conducteur qui est dans la même situation. Notre arrivée au village de Voen Sai me réservera les fous rires des chauffeurs et bien sûr, encore de Fabien. Mon visage a pris naturellement un teint bronzé trop prononcé, ne parlons pas de mes bras ni de mes vêtements.

Sur les pistes du Ratanakiri !

Elodie sur les pistes du Ratanakiri !

Sur les pistes du Ratanakiri !

De la terre à n'en plus finir...

Nous filons ensuite sur notre second mode de transport, le bateau. Pour rejoindre un des quatre villages visités aujourd’hui, nous devons remonter une rivière pendant une heure de plus. L’eau est maronnasse et ne donne pas envie de s’y baigner. Et pourtant bon nombre d’enfants s’en donnent à cœur-joie sur notre passage, révélant quelques coins perdus au milieu des arbres abritant sûrement leur village. Il n’y a aucun ponton, seulement des pirogues accrochés à des palmiers sur les rives. Nous avons l’impression de remonter jusqu’au bout du monde. Combien de gens vivent dans cette forêt ?

En route toujours plus loin !

Sur notre passage

Sur notre passage

Le débarquement sur les terres du village Kachon fut un choc pour nous. Des enfants nus avec leurs parents se lavent dans l’eau de la rivière. Non, ils ne se baignent pas, je ne rêve pas. Nos pieds posés à terre, des dizaines de regards se posent sur nous, scruteurs et interrogateurs. Les enfants nous fixent, certains interloqués, d’autres avec le regard plus sévère. Ils n’ont pas l’habitude de voir des étrangers. Nous essayons de sourire mais la communication est difficile, ils ne parlent même pas cambodgien, alors anglais… ? Notre guide nous fait signe d’approcher du groupe, lui, semble être connu des villageois, il a le droit a quelques sourires. Ouf, ça se détend.
Près de la rive, des femmes s’affairent au travail. Des trous sont creusés dans la terre à seulement trente centimètres de la rivière. L’eau présente dans ces trous est récoltée chaque matin. Elle est destinée à la consommation nous apprend notre guide. Toutes les femmes remplissent leurs petites jarres en bois et leurs bouteilles en plastiques, les enfants participent eux aussi à la tâche. Une lourde tâche nous semble-t-il. Il n’est que 10h du matin mais le soleil brille fort, il fait (trop) chaud et transporter ces litres d’eau jusqu’aux maisons doit être un véritable fardeau… surtout pour ces enfants qui préfèreraient sûrement s’amuser. L’or blanc récupéré  n’est pas vraiment transparent, bien au contraire. Située à côté de la rivière, l’eau est même plutôt jaune. Dire que c’est pour boire ! (je vous rassure, on enseigne aux cambodgiens qu’il faut préalablement faire bouillir l’eau… mais les résidus sont toujours là et cette eau est particulièrement sale). Je ne peux rester plus longuement avec ces dames et ces enfants qui me fixent, j’ai un pincement au cœur.
Vous comprendrez pourquoi aussi nous n’avons pas pris de photo.

A la recherche de l'eau, chaque jour...

Mère et son fils sur le chemin du village pour apporter de l'eau aux maisons.

Nous remontons le chemin menant au village. Très vite nous nous apercevons que quatre petites filles moins timides que les autres nous suivent. Elles ricanent, elles gloussent et jouent les curieuses. Elles sont mignonnes. Nous leur faisons de grand coucou avant  qu’elles ne se dispersent pour rejoindre leurs mères. Le chemin passe devant une maisonnette, l’unique commerce du village. Il n’y a pas grand chose en vente, des T-shirt, des crackers et du coca. L’état fournit des licences de vente aux différents commerces du pays mais n’en donne qu’une seule par village ethnique. L’autre problème est que ces ethnies n’ont aucune aide de la part du gouvernement , elles vivent librement mais sans argent. Ces villages s’auto-gèrent et auto-produisent leurs éléments pour vivre. Mais sans monnaie qui circule, à quoi sert l’unique commerce présent dans chaque minorité ? A rien nous rétorque notre guide. « C’est stupide de la part de l’Etat, c’est montrer ce qu’ils ne peuvent s’offrir ».

Maisons sur pilotis
Nous nous enfonçons un peu plus dans le village. Il n’y a qu’une vingtaine de maisons, toutes sont en bois, dressées sur des hauts pilotis. Si certaines tiennent bien debout, une majorité sont pliées par le temps et penchent un peu trop vers le sol. Il est facile aussi de reconnaître les familles plus aisées que les autres, maison en bois égal argent, maison en bambou égal famille en difficulté. A l’intérieur de chaque bâtisse, il n’y a pas grand chose, elles sont trop petites de toute façon : une quinzaine de mètres carrés pour accueillir trois à quatre personnes. Dans les pièces uniques, nous pouvons apercevoir des paillasses posées sur le sol, c’est le lit de chacun. Il n’y a rien d’autre. Tout le matériel est entreposé sous la maison à l’extérieur. Casserole, hamacs et table pour manger. Si à l’origine les pilotis permettaient aux habitants de se protéger la nuit des animaux sauvage, aujourd’hui, le plancher protège du… soleil. « C’est un parking et un lieu où vivre » nous explique notre guide. Les pièces en dur sont donc un simple lieu où dormir, les villageois passant le plus clair de leur temps à l’extérieur.

Maisons sur pilotis

Des animaux libres dans le village

Autour des maisons, les vaches et les cochons vivent librement et se roulent dans la boue. Nous essayons de les éviter car ils ne sont pas très propres. Nous arrivons enfin près d’une pièce construite en dur peinte en blanc. La porte d’entrée est fermée mais notre guide nous autorise à y rentrer. A l’intérieur, quelle surprise ! Des bancs et des petites chaises toutes propres sont alignées les unes derrière les autres. Devant elles se trouvent un grand tableau et un grand bureau. La pièce est dénuée de vie. Quelques affiches sont placardées sur les murs pour expliquer les bons gestes à avoir en cas de maladie ou pour montrer l’alphabet cambodgien… mais les volets sont clos et aucun papier, aucune fourniture n’est présent. « L’école a fermé » nous raconte-t-il. L’Europe a envoyé de jolis bureaux tout neuf pour aider les villageois mais personne n’a trouvé de professeur pour faire les cours aux enfants. « Le professeur serait payé 35 dollars le mois… ».

Nous resterons seuls dans la pièce à observer les bureaux et l’alphabet au mur et à imaginer la vie qu’il pouvait y avoir ici. Des enfants assis sagement à lire leur livre et à écrire le cambodgien ; un professeur les interrogeant sur la géographie ou simplement sur ce qu’ils ont fait ce weekend. Une école fermée, c’est triste. Faute de professeur, ces enfants n’apprendront pas le cambodgien, un handicap certain en dehors de leur village. Ils continuerons à aider leurs mères chaque matin à récupérer l’eau des trous au bord de la rivière. La vie d’un enfant ne devrait pas se résumer à cela.

Nous avons du mal à accepter la situation et filons loin de l’école. Ironie du sort, l’école est construite  à côté d’une grande antenne relais pour que des gens comme notre guide ou même nous puissions capter le réseau téléphonique ; alors que le village, lui, n’a pas l’électricité. C’est une honte !

École vide au Cambodge

La salle d'école toute neuve...

Sur notre retour auprès de notre bateau, nous passons devant une sorte de petite pompe. « Elle est cassée ! Mais personne n’est venu la réparer ! En attendant, ils iront tous les jours récupérer de l’eau à la rivière. »

Nous quittons le village en faisant quelques signes d’au revoir aux habitants, certains enfants nous répondent. Beaucoup nous fixent comme si nous étions des extraterrestres. Ces regards tristes nous auront marqué et resterons notre dernière image de ce village : des enfants n’ayant pas le droit d’être heureux. En les fixant de loin sur mon bateau, je suis à deux doigt de revenir le lendemain leur apporter de l’aide, ne serait-ce que de l’eau en bouteille. Je suis sûr que rien que cela, ça les ravirais.

Sur notre départ

Le deuxième village ethnique sera visité en coup de vent, tout simplement parce que notre guide n’a aucune relation avec les habitants et ne prononce pas non plus sa sympathie vis à vis d’eux. Nous pourtant, cela nous redonnait le sourire de pourvoir nous exprimer de nouveau… en chinois. En face de la rive de Voen Sai, un petit village minoritaire est peuplé par une centaine de personne d’origines chinoise. Tout est écrit en chinois, les us et coutumes sont chinois, les produits sont chinois, les cours d’école sont en chinois mais les habitants ne se disent pas chinois. Ils sont cambodgiens ! Nous laissons les habitants tranquilles qui ont l’air, contrairement à ceux rencontré précédemment, de vivre très heureux au sein de leur communauté. Le quartier est très joli. C’est à peu près tout ce que nous avons eu le temps de remarquer. Dommage, nous aurions bien échangé un « Nihao » avec les enfants.

Minorité chinoise au Cambodge

Maison chinoise au Cambodge

Sur le chemin des villages ethniques
Nous nous éloignons à pied du village chinois pour arriver à un village laotien. Le changement est radical, les maisons sont – contrairement à leurs voisins chinois – toutes sur pilotis. Les propriétés sont bien marqués par des clôtures et chaque famille a son bout de terrain. Ici, les habitants sont souriants. Ils n’hésitent pas à sortir de leurs maisons pour venir à notre rencontre et nous dire bonjour. Nous nous arrêtons vers une pharmacie traditionnelle où des traitements pour tous les maux sont vendus dans des sachets. Typhoïde, syphilis, dysenterie, diarrhée, et même hémorroïde, etc. Le traitement n’est efficace qu’au bout de dix mois, ce qui nous refroidira pour nos futurs achats. Nous resterons près de cette pharmacie, finalement plus passionnés par notre jeu de cache cache nouvellement commencé avec trois jeunes enfants venus nous rejoindre.
« By bye » nous leur crions à notre départ.

Minorité laotienne au Cambodge

Maison laotienne au Cambodge

Il est temps de reprendre la route, celle en moto-bike. Et c’est sans aucun plaisir que nous grimpons à l’arrière de notre scooter. Nous connaissons  la piste qui nous attend et la poussière que nous allons manger. Ce dernier trajet fut en réalité bien pire qu’imaginé car un gros camion nous a devancé pendant plus d’une demi-heure, projetant derrière lui un énorme nuage noir continu. Même avec nos lunettes et notre masque (acheté au marché), impossible de voir ni de respirer correctement.
Nous faisons une pause dans le dernier village au programme, le temps de remarquer que dans celui-ci, la pompe à eau fonctionne à merveille ! Les maisons ne sont pas toutes en très bon état et le bois semble être un luxe plus on se rapproche de la banlieue de Ban Lung ; le bambou reste l’élément principale de la structure du foyer. Les parois sont à base de feuilles sèches « tissées », piquées les unes dans les autres pour les maintenir grâce à un cure-dent. Système D quand tu nous tiens…

La seule pompe du village fournissant de l'eau "non potable"

La seule pompe du village fournissant de l'eau "non potable".

Maison sur pilotis

Maison sur pilotis

Une maison, c'est une famille

Ces villages dit « minoritaires » nous auront particulièrement touché. Difficile d’imaginer que quelque part dans le monde, nous installés dans notre lit moelleux en France, que des gens vivent ainsi. Ils ne sont pas malheureux, pas tous fort heureusement, mais quand on se rend sur place pour les rencontrer, on se dit forcément avec douleur que la chance n’est pas la même partout pour tout le monde sur cette terre…

Maisons du Ratanakiri

Enfant de Ban Lung

Enfant de Ban Lung

Ah le Ratanakiri… quand je repense à cette région, j’ai les yeux qui brillent. Ses hordes de gamins qui nous courent après, ses habitants souriants, sa poussière rouge qui nous colle à la peau, sa situation isolée qui lui donne des allures de bout du monde… J’ai l’impression qu’ici plus qu’ailleurs nous avons bousculé notre train-train et provoqué l’aventure. Depuis notre arrivée dans les hauts-plateaux du Vietnam, il n’y a pas un jour sans question et sans hésitation sur la voie à suivre, car hors des sentiers battus elle n’est pas toujours tracée. Il n’y a pas un jour sans rencontre improbable avec les habitants, improvisée faute d’avoir trouvé la bonne direction ; des habitants se révélant très souriants et très accueillants avec nous, tous sans exception.
Après avoir goutté ce genre d’aventure, comment retourner un jour sur les grands sentiers ? L’idée nous paraît difficile et pourtant certaines beautés convoitée sont à ne pas rater. Il est temps de partir donc ?
Le nord-est du Cambodge fut à la hauteur de nos attentes, peut-être même plus.

La poussière rouge du Ratanakiri

La poussière rouge du Ratanakiri

Nous avons eu un accueil probablement trop parfait ici et des gens sûrement trop touchants. Que nous réserve la suite de notre voyage au Cambodge ? Tant d’interrogations. Nous avons commencé trop fort, le Ratanakiri sera je suis sûre notre meilleur souvenir dans ce pays.

Enfants du Ratanakiri

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déjà 5 commentaire, réagissez à ceux ci ou commentez vous aussi à “La poussière rouge du Ratanakiri”

  1. Jacky dit :

    Hello! hello! hello!
    Oh que oui !ça fait du bien d’être acceuilli par tous ces enfants le sourire aux lévres … rappellez vous les enfants rencontrés a l’orphelinat dans le Mekong !
    Vous savoir sur les pistes en scooter….nous sommes jaloux ! bonne route….bisous qui laisseraient des traces sur vos joues bien colorées de poussière, une poussière de routard……

    • Scooter, vous êtes bien placé pour en parler !
      Au Ratanakiri, c’est moins sophistiqué que chez nous, si le casque est parfois résumé à celui d’un vélo, la plupart du temps il n’y en a pas sur la tête des gens ; et sur le scooter que nous avons loué, les compteurs étaient pétés. Tous quels qu’ils soient, vitesse, essence ! Ils étaient à zéro.
      Merci pour la trace sur ma joue, je la garde précieusement.
      (Mon pantalon, j’ai beau frotter, des parties sont toujours rouges !)

  2. patachris dit :

    Bonjour,

    nous sommes à deux jours du départ pour le Cambodge et creusons quelques détails pour le Ratanakiri et Mondulkiri.
    Par chance nous sommes tombés sur votre blog fort intéressant et se rapprochant de notre mode de voyage.
    A ce sujet, nous nous permettons de vous demander quelques informations sur le sujet :
    -Location moto , si vous avez une adresse et s’il n’y a pas de souci de vol.
    Quelles sont les conditions pour louer (faut-il donner son passeport ou une photocopie etc..)
    -Pour l’hébergement (cabane ) une adresses ??
    -Le périple en bateau (contact etc..)
    – Nous sommes preneurs de bonnes infos :)

    Merci si vous avez ces adresses à nous communiquer.

    Nous serons à Phnom Penh le 28 décembre 2012 et restons au Cambodge jusqu’au 18 janvier 2013.
    Nous vous souhaitons de Bonnes Fêtes de fin d’année.

    Patricia et Christian (du Gard)

    • Merci pour votre mail, vous avez du le voir, nous vous avons répondu par mail plus longuement pour donner plus d’informations.
      Nous espérons que votre voyage au Cambodge se passe bien, un pays qui nous a beaucoup touché.
      Elodie et Fabien

  3. […] compte aussi la chevauchée d’éléphants! Un exercice qu’on avait déjà testé dans le Ratanakiri, la région nord-est du Cambodge, mais une première pour les amoureux qui nous accompagnent. Et le […]

Répondre à Une carte postale venue de loin - De ci de la, de briques et de bois

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