Kratie, la petite au bord du Mékong

Nous devons quitter le Ratanakiri (qu’est-ce que le temps passe vite), il nous reste beaucoup à voir au Cambodge dont Phnom Penh, la capitale, sans oublier bien sûr le meilleur pour la fin ! Je n’en dis pas plus (vous avez sûrement deviné).

La route de Ban Lung jusqu’à Phnom Penh est comment dire ?… accidentée ! Cabossée, trouée, encerclée de tous côtés par des buttes de terre ! Elle est longue aussi : environ douze heures. Nous décidons de faire une minuscule pause au milieu du trajet dans la ville de Kratie, prononcée « kra-tché ».

Kratie

"kra-tché"

Bien évidemment, comme on le prédisait, Ban Lung fut ravitaillé par les corbeaux. Nous faisons toutes les agences de la rue principale à la recherche d’un bus ne se rendant pas coûte que coûte à la capitale mais ayant un départ plus tard seulement à destination de Kratie… mais c’est impossible. Tout le monde essaye de nous vendre le même bus, l’unique bus VIP, climatisé, express… et assuré jusqu’à Phnom Penh. Son prix est de 9$, cela peut être moins ou plus, en fonction de la prime que se prend le vendeur. Mais son horaire de départ est toujours 6h30 du matin.

Nous n’avons que trois heures trente de bus pour Kratie. Pourquoi donc s’imposer un réveil si matinal pour débarquer dans une ville inconnue alors que l’on se plait tant à Ban Lung ? Nous nous résignions presque à l’achat du billet VIP pour 6h30, quand la veille du départ notre auberge nous apprend  au détour d’une discussion sur la pluie et le beau temps que (quand même !) il y existe un minibus SEULEMENT pour Kratie… mais… chut c’est secret. Enfin, on dirait que c’est ça, vu la tournure que ça prend ! Une organisation mystérieuse entre locaux pour se débarrasser de nous, pour se garder le privilège des multiples heures de départ. Parce qu’en réalité ce n’est pas un minibus dans la matinée mais PLEIN de minibus toute le journée ! Chouette ! On achète !
Notre auberge nous alerte sur le fait que ce minibus ce n’est pas bus. Apparemment, les conditions de transports entre villages du Cambodge ne sont pas toujours exceptionnelles. Nous lui racontons notre voyage de Hoi An à Kon Tum. Il rigole fort et nous rassure sur la situation,  il y a quatre sièges par rangée et donc que quatre personnes par rangée. Soulagement. Le second problème mais pas des moindres, c’est nos bagages. Il n’y a pas de coffre dans les minibus. Il nous suggère d’acheter une troisième place. Chaque place vaut 8$ (il se prend une commission avouera-t-il), nous payerons donc 24$. Allez ! Acheté ! Nous paierons donc 6$ de plus pour ce trajet mais nous partirons en milieu de matinée et pourrons profiter de notre dernière soirée dans la région. Si vous êtes vous aussi intéressés par ce minibus mystère, il suffit d’aborder le sujet avec votre hôtel. Il n’y a aucun horaire, c’est à vous de choisir, il n’y a pas de ticket, pas d’agence, c’est non officiel. Mais ils existent, nous les avons vu par dizaines remplis d’habitants toute la journée. Nous partons à l’heure, nous arrivons à l’heure, et nous sommes quatre personnes par rangée comme annoncé mais par contre il n’y a que trois places, pas quatre… (avec le strapontin inclus). Le voyage s’est bien passé quand même, on a eu pire.

Notre guide de voyage décrivait Kratie comme une ville « charmante et idéale pour faire une pause ». J’avoue avoir été quelque peu déçue. Nous nous attendions à une ville superbe avec beaucoup de restes architecturaux coloniaux (comme le citait toujours notre guide) mais il n’en est rien. Nous avons pu, au terme de nos deux jours passés ici, photographier la quasi-totalité des maisons de style coloniales, c’est à dire deux. Nous sommes à côté de ça réjouis de retrouver un peu la « civilisation » ; des trottoirs, un marché couvert organisé, des grands hôtels de partout, des restaurants en durs, des vrais, des rues goudronnées de tous les côtés… ouah ! On sors enfin de notre trou du c… du monde ! C’est marrant, aujourd’hui alors que j’écris cet article depuis Phnom Penh je ressens tout l’effet inverse : Kratie ? Une ville ? Vous voulez rire ! Toujours est-il qu’en arrivant du Ratanakiri, « krat-ché » semble être le comble de la modernité.

KratieNotre séjour dans la ville a été très très mal préparé je dois l’avouer. Une fois sur place, déçu de ce que nous trouvons – sûrement après un séjour trop parfait à Ban Lung – nous tournons en rond sans savoir quoi faire. Nous prenons le premier hôtel qui nous paraît être dans nos prix, sans même en chercher plus, arrêtant ainsi notre décision à notre troisième hôtel visité (nous allons toujours checker nos chambres avant de dire oui). Nous sommes au Oudom Sambath Hotel pour 12$ la nuit avec climatisation, pas très cher vous allez me dire, et propre en plus, mais nous n’en dirons pas forcément du bien, surtout du patron. Bref, revenons à nos moutons.

Il y a des petites choses à faire dans cette région malgré tout mais avec de la réflexion et de l’argent comme toujours.
Tout d’abord, l’attraction NUMBER ONE de Kratie c’est ses dauphins d’eau douce de l’Irrawaddy ! Ces dauphins sont une espèce particulièrement menacée sur la planète et rares sont les endroits comme le Cambodge où l’on peut les observer. Aux dires de voyageurs l’ayant fait récemment, c’est vraiment possible d’en voir pour de vrai. Nous ne démentirons pas, seulement, financièrement, nous ne pouvons pas nous payer cette excursion. Pour se rendre sur les pontons où partent les bateaux d’observations, il faut compter 10$ de moto-bike (ne cherchez pas de tuk tuk, ça n’existe pas vraiment dans ces contrées là). Une fois sur place, il faut ensuite payer 9$ par personne pour partir en expédition d’une heure. Cela se fait vers la tombée de la nuit.

Nous n’avons plus 38$ avec nous… aïe ! Aurais-je rater la chance de ma vie en allant voir des dauphins ?? Celle que rêvent toutes les petites filles ??
Pas vraiment.

Animaux en voie de disparition

Attention !

Cette espèce là n’est pas particulièrement jolie soyons honnête mais surtout ne sors pas beaucoup de l’eau. Impossible (selon les voyageurs précédents) de les voir en entier, on ne peut apercevoir que leur dos de temps en temps. Cette espèce est aussi très menacée alors pour une fois, je ne penserai pas qu’à ma tête et je laisserai ces petites bébêtes tranquilles ! Je doute de la capacité humaine à faire preuve de tact même envers une espèce menacée quand il s’agit d’argent pour manger chaque mois ! Alors pas de dauphin pour nous ! C’est sans regret.

Les quais de Kratie

Sur les quais de Kratie

Maison de pêcheur sophistiquée

Maison de pêcheur près des quais

Nous profitons le premier soir du, cette fois je cite en accord total avec mon guide : « le plus beau coucher de soleil du Cambodge » ! Les mots sont forts mais il a raison. Nous n’étions tellement pas préparés à un si beau spectacle que nous n’avions aucun bon appareil électronique pour immortaliser la scène. Nous nous asseyons donc sur un banc à observer en amoureux le paysage : le Mékong est devant nous et le soleil coule derrière lui. Rappelle toi Fabien, ce beau coucher de soleil au Mékong il y a deux ans ? La boucle est bouclée. C’est non sans émotion que nous passerons deux jours sur les rives de ce fleuve, mais cette fois, un peu plus haut et… dans un autre pays surtout. Nous réussirons à prendre une photo, plutôt pas terrible en comparaison du spectacle, histoire de quand même rapporter un petit souvenir.

Kratie

Fiers de l’heureuse initiative à Ban Lung, nous renouvellerons à Kratie l’expérience scooter. C’est vraiment très agréable de sortir des routes et de rouler dans les petits chemins, de villages en villages. Nous le garderons toute une journée.

Location de scooter

A l'entrée d'un temple sur notre passage

Les enfants des villages de la périphérie de Kratie sont tout aussi sympathiques que ceux de Ban Lung, on a même l’impression que certains ont encore moins vus d’étrangers ! A notre passage sur notre scooter, beaucoup sont stupéfaits de voir deux blancs comme nous rouler près de chez eux. Cette région n’est pas très visitée, il est possible de faire quelques choses de vraiment plaisant dans les paysages reculés, à condition d’avoir un scooter, ce qui est notre cas. Mais nous n’avons pas beaucoup de temps à côté de cela, nous nous contenterons de rouler vers le sud puis vers le nord, le long du Mékong. Sur notre passage nous aurons l’occasion de visiter deux temples et un centre de méditation. C’est que depuis notre arrivée dans ce pays, on avait un peu laissé tomber la visite « touristico-culturelle ». Il est temps de remédier à cela et de consacrer quelques heures à la découverte des merveilleux temples du Cambodge.

Vat Kandal

Le premier sera tout petit. Le vat Roka Kandal est situé à seulement deux kilomètres du centre ville et il sera surtout fermé. A l’arrière du vat, des maisons comportant l’inscription « Guesthouse » sont elles aussi vides et fermées. Ces maisons étaient nées à l’origine de la la volonté germanique de soutenir les populations locales en créant un système de maison chez l’habitant près du temple. Tout le monde y était gagnant, les allemands bien sûr, les voyageurs et surtout la population locale. Malheureusement le contrat associatif n’a pas été reconduit et ces petites maisons sur pilotis ont triste mines. La vat quant à lui est joli, c’est l’un des plus anciens de la région. Nous nous amusons à marcher entre les différentes vaches présentes ici à brouter, la pelouse du vat ayant peut-être été reconvertie en herbe à vaches locales tellement il y en a ?…

Vat Kandal

Temple du Cambodge

Nouveau temple en construction en face

Vat Kandal

Enfant de Kratie

Enfants de Kratie vivant à côté du Vat

Chemin au bord du Mékong

Chemin sur le bord du Mékong

Nous filons ensuite sur huit kilomètres au nord (nous demandons notre chemin chez un habitant pour confirmer notre direction car la route nous a semblé un peu longue) pour rejoindre le centre de méditation du nom de Phnom Sombok. Situé sur une colline, un grand complexe a été construit où sont organisés – je crois – quelques séjours, même aux étrangers comme nous, pour apprendre à méditer. Pour y arriver, il faudra d’abord grimper. Un long escalier mène au premier temple, surveillé par des dizaines et des dizaines de statues de bonzes.  Les principaux occupant à l’heure où nous nous y rendrons seront deux moines très âgés, dont un en train de subir sa toilette (il est assis sur une chaise en plastique, habillé avec sa « robe » orange, en train de recevoir deux à trois grosses bassines remplies d’eau). Nous les laissons tranquille pour grimper un escalier de plus et découvrir le second temple, puis le troisième. Il y a une jolie vue sur le Mékong et sur la campagne environnante. La région de Kratie nous semble très rurale et plate. Les habitants vivent essentiellement de la pêche et de la culture de riz.

Statues de moines

Troisième escaliers

Troisième escalier, on ne perd pas son souffle

Site en re-construction

Temple cambodgien

A l'intérieur : un certain goût... pour la couleur...

En quittant ce centre, une cambodgienne nous confirme que nous sommes sur la bonne route pour partir observer les dauphins, il ne reste plus que deux kilomètres. Non merci pour nous. Nous retournons sur nos pas et rentrons en ville. Sur la route, nous croisons beaucoup de maisons. Elles sont assez différentes de Ban Lung, déjà parce que les pilotis sont plus hauts, la faute à la crue du Mékong qui peut aller très haut. Elles sont aussi plus grandes que dans le Ratanakiri mais je n’ai pas d’explication par contre. Les habitants de cette région ont sûrement un peu plus les moyens de se construire une vraie belle maison. Nous tombons sous le charme. On adore ces belles bâtisses toutes en bois, la plupart ont un superbe parquet de quoi rendre jaloux des gens en France. On s’aperçoit que ce n’est pas le manque d’argent qui pousse l’ensemble du Cambodge a user du bois pour son foyer mais un réel code esthétique et une tradition de construire sa maison en bois et sur pilotis.

Maison sur pilotis au bord du Mékong

Au bord du Mékong

Maison sur pilotis au bord du Mékong

Ravitaillement de glace au Cambodge

Ravitaillement de glace ! Chaque matin, de gros blocs sortent d'usine pour être acheminés dans toutes les maisons du pays (vous n'aurez aucun soucis avec la glace)

Nous tombons par hasard sur une second temple, celui-ci est bien plus grand que le premier. Nous n’avons pas le nom. Nous garons vite notre scooter sur le côté de la route, attirant les regards curieux du voisinage et entrons timidement dans la propriété. Nous observons de loin le vat principal pour ne pas déranger (peut-être n’avons nous pas notre place ?) avant d’apercevoir un gamin de la maison d’à côté se précipiter dans la cours de derrière avec un ballon pour improviser une partie de football. Nous le suivons. Ce temple colle tout à fait à l’image que nous avions en tête. Les toits sont dorés et il y a énormément de motifs sculptés de partout. J’avais dit que les chinois ne faisaient pas dans la sobriété ?… Ah bon ?
Ce temple n’est pas inhabité, il est même assez actif. Sous un hall à notre droite, deux jeunes moines font la sieste. En observant un des deux plus attentivement, je ne peux m’empêcher de remarquer qu’il discute… seul. Ah ? Je fais ma petite curieuse… Mais oui ! Il a un téléphone portable dans sa main, il est au téléphone ! Vous allez rétorquer, quoi de plus normal pour vous ? Mais non ! Les moines bouddhistes n’ont pas le droit à la propriété, ils doivent se détacher de tout sentiment et de tout objet. Ça c’était avant mais j’ai appris que récemment, l’État cambodgien a admis – dans notre société moderne – que des moines aient une moto ou un téléphone portable. Why not ?

Temple du Cambodge

Lessive des vêtements de tous les moines

Lessive des vêtements de tous les moines aujourd'hui

Moine au téléphone

Chuut ! Je suis occupé !

Fin de journée, nous lâchons notre scooter pour prendre une embarcation et traverser le Mékong. Il est assez tard, le couché de soleil a lieu mais tant pis. Nous voulions vraiment poser les pieds sur la toute petite île de Koh Trong. Le ponton se situe en plein centre ville de Kratie, à côté d’une maison en brique servant autrefois de marché de nuit. La traversée coûte 1 000 riel par personne, une broutille quoi. Une fois là bas, nous regrettons immédiatement… de ne pas avoir consacrée deux fois plus de temps à cette minuscule île.

Pêcheur du Mékong

Pêcheur du Mékong

Sur les berges de Koh Trong

Sur les berges de Koh Trong

Koh Trong est à dix mille lieu de Kratie ! C’est un havre de paix, constitué de trois ou quatre villages (je ne sais pas) répartis dans la végétation dense de l’île. Ici ce ne sont que petits chemins en terre (en boue pour nous après le terrible orage qui nous avons essuyé). Ils ne sont pas nombreux à y vivre et ne sont pas habitués à recevoir de la visite. Ils vivent en communautés. Koh Trong est vraiment très jolie, pour ce que nous en avons vu. Une île paisible où nature prédomine, avec quelques cocotiers et des rizières au centre.

Koh Trong

Chemin boueux de Koh Trong

"Route" principale de l'île, et la seule surtout !

Maison de Koh TrongLes habitants sont très souriants, comme toujours vous allez me dire… mais non ici, j’insiste, ici, ils sont très souriants et sincères. Combien de papis très âgés avons-nous croisés nous souriant et dévoilant ainsi leur bouche sans dents ? Des papis qui ont un superbe sourire, incroyable quand on sait l’horreur qu’ils ont vécu il n’y a pas si longtemps… Touché coulé ! Nous aimons ces gens. Et nous regrettons de ne pas avoir poussé nos recherches sur la région de Kratie car une fois sur place sur l’île de Koh Trong, nous découvrons que nous pouvons passer la nuit chez l’habitant. Tout est prévu pour ça. Il n’y en a que deux au total mais sont bien signalées. Une expérience que nous aurions vraiment souhaité avoir ! Mince alors ! C’est assez triste et amer que nous quittons l’île pour retourner en ville, demain nous avons un bus pour enfin rejoindre cette capitale dont on nous a tant parlé.

Les enfants de Koh Trong

Les enfants de Koh Trong

Loin de l'animation de Kratie

Loin de l'animation de Kratie (berge de l'île sur la photo)

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déjà 2 commentaire, réagissez à ceux ci ou commentez vous aussi à “Kratie, la petite au bord du Mékong”

  1. christophe dit :

    Bonjour,
    On vient de tomber sur votre site et on en profite pour prendre qq notes, nous partons avec antoine et hugo , 7 et 10 ans
    bon voyage

  2. Jacky dit :

    Hello,
    Je découvre avec un certain retard votre dernier article sur le cambodge et suis surpris de voir des photos sur le fleuve Mékong qui coule donc,je l’apprend, jusqu’au détroit du mékong au vietnam…très très loin …c’est pour vous un retour au source de votre voyage…deux ans avant…

    Bisous a plus
    Jacky

Répondre à christophe

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