Isla Taquile

Grâce aux conseils de Christian (voir article précédent), nous décidons, coûte que coûte, de voyager « en indépendant » jusqu’à l’Isla Taquile, une petite île côté péruvien de 6 km2 peuplé de 3 500 habitants parlant quechua dans la vie de tous les jours et pour certain, aymara. Hors de question de mettre un centime dans une agence qui s’en mettrait plein les poches. Notre argent ira aux habitants de Taquile.

Isla Taquile

Isla Taquile

C’est donc les yeux fermés, mais pas dans l’ignorance (merci encore Christian) que nous nous rendons au port de Puno sans billet à 7h30 du matin. Riche de l’expérience à l’Isla del Sol, cette fois nos bagages resteront à l’auberge pendant deux jours et nous ne transportons dans notre petit sac à dos que le matériel essentiel et de valeur (ordinateur, caméscope, papiers, etc), des vêtements très chauds et un sac de couchage car nous ne savons pas dans quelles conditions nous allons dormir.

Un jeune homme vient à notre rencontre sur les quais pour nous proposer un billet aller-retour à 25 soles (imbattable!!) comprenant le prix d’entrée de l’ile (en temps normal à 5 soles). Mais l’intérêt du billet réside plus loin, nous étions au courant de son existence et c’est précisément ce que nous cherchions. Ce bateau est un collectif de l’île de Taquile, il est réservé aux habitants de l’île qui peuvent faire ainsi les transports entre Puno et Taquile gratuitement. L’entretien du collectif se fait grâce à l’argent fourni par nous, touristes, le but n’étant pas lucratif, la somme est trop modique. Ce bateau n’a que deux horaires de traversée : à 7h45 de Puno (demandez « El Colectivo Taquile ») et à 14h30 depuis Taquile. Le billet est valable plusieurs semaines, vous pouvez ainsi passer autant de nuits que vous le souhaitez sur l’île.

Le trajet durera trois heures, nous serons accompagnés de trois femmes appartenant à la communauté de Taquile et bien sûr quelques touristes. Notre première halte « d’un temps bien suffisant ! » insiste Ricardo, le jeune homme nous ayant vendu les billets, sera de trente minutes, à seulement trente minutes de traversée, sur les îles Uros, appelée aussi îles flottantes. Nous voici propulsé sur ce qui a fait le malheur du Titicaca… Malheur, pourquoi ? En effet, beaucoup de voyageurs se contentent de la visite de ces îles et rapportent avec eux une image très négative du Titicaca en le décrivant comme un Disneyland.

Isla Uros

Isla Uros

Les Uros furent il y a très longtemps une petite tribu de langues aymara qui s’organisèrent sur de petites îles flottantes faites main afin de se protéger d’une autre tribu, les Colla. Ces îles étaient confectionnées avec des roseaux légers, la « totora » poussant en abondance encore aujourd’hui dans les eaux du Titicaca. Les îles entières étaient fabriquées à base de cette « totora », le sol, les maisons, les sièges, les bateaux. Ce roseau était aussi en partie comestible et sevrait à l’alimentation de la tribu. Nous avons gouté, ce n’est pas terrible.

Totora

Totora

Au déjeuné : totora madame !

Les Uros de pure souche ayant disparues, les îles flottantes sont seulement entretenues régulièrement (lorsque le sol pourrit) et transformées en vrai musée. Tout est payant lors de la visite, même lorsque le regard trop curieux se pose à l’intérieur d’une hutte. On essaye tant bien que mal de nous faire croire que les gens vivent ici… mais après trente minutes de visite (Ricardo avait raison, c’était déjà trop), lorsque nous repartons en bateau, au loin nous apercevons des maisons flottantes d’un autre type (avec des maisons de tôle) ; nous apercevons même une école et une vingtaine d’écoliers en récréation. Okay, on a compris !

Isla Uros

Isla Uros

Si le tourisme choquant règne sur ces îles en totora, cependant, nous ne pouvons que constater qu’elles sont de toute beauté. Il est aussi intéressant de voir comment un peuple vivait autrefois et se protégeait des autres. Nous ne regrettons pas notre courte visite. Au voyageur d’être suffisamment intelligent pour ne pas gober tous les propos de son guide et ne pas subir les nombreuses escroqueries.

Isla Uros

En achetant un circuit 2 jours/1 nuit par une agence, la majorité des voyageurs feront une halte de quarante cinq minutes aux îles Uros, puis une pause déjeuner plus une légère marche du port nord au port sud de Taquile (soit la partie la plus resserrée de l’île) le tout pendant trois heures et enfin rejoindront l’Isla Amantani un peu plus loin pour y passer la nuit. Paraît-il qu’ils se verront revêtir des costumes « traditionnels » pour danser jusqu’au bout de la nuit ! Bref, un circuit bien chargé survolant indéniablement l’île de Taquile.

Nous allons vous raconter notre séjour à nous sur cette Taquile…

Lors de notre dernière heure de navigation, nous lisons le livre offert par Christian, écrit par El Señor lui même. En effet, Christian a passé quelques mois sur Taquile à vivre parmi les habitants. Grâce à lui, nous avons pu découvrir plusieurs aspects de la culture et de la vie sur l’île.

Nous apprenons ainsi que les insulaires ont gardé une organisation directement liée à la culture inca comme celle de vivre en communauté et d’avoir recours au travail communautaire (la mita). Par exemple : lorsqu’un élu décidait de rénover ou de construire un chemin, plusieurs familles de chaque communauté, hommes et femmes, se verront la tâche confiée et travailleront ensemble équitablement pour réaliser le travail proposé par l’élu. Notez que ce dernier lui aussi mettra la main à la pâte autant que les autres. L’argent n’entre pas en compte dans ce genre de travaux, d’ailleurs il n’est apparu que tardivement sur Taquile, arrivé notamment par le tourisme. Second exemple d’organisation : les terres de l’île sont divisées et chaque famille obtient légitimement une des parcelles pour leur culture personnelle. Nous en venons donc à un dernier fait non moins important que tous les autres : le mariage extra-communautaire est très mal vu et seul un habitant d’origine de l’île peut vivre sur Taquile (même un habitant de Puno ne pourra pas s’y installer).

Selon ces traditions communautaire encore d’actualité, il en va de même pour l’accueil des voyageurs souhaitant dormir sur l’île. D’après Christian, un roulement est organisé chaque jour afin que plusieurs familles différentes puissent héberger chez elles (moyennant une petite somme de notre part : 35 soles par personne soit 10 euro, pour une nuit, le dîner et le petit déjeuner). A vrai dire, en lisant ces mots sur l’embarcation, après le harcèlement moral de l’isla del Sol, nous sommes plutôt sceptique… Et pourtant, le choix de notre pension s’est fait tout naturellement sans aucune réflexion. En posant les pieds sur l’île, personne ne vient à notre rencontre en se bousculant. Nous apercevons quatre femmes sur les quais, toutes aussi sereines les unes que les autres. Elles restent silencieuses et en retrait.

Début du sentier pour l'isla Taquile

Début du sentier pour l'isla Taquile

Pour arriver à la place principale, il faut monter tout en haut, à croire que c’est obligatoire sur le Titicaca ! Mais cette fois, non seulement nous voyageons léger mais en plus nous sommes acclimatés. Nous montons donc gaiement. Au bout de cinq cent mètres, une jeune femme en jupe et léger voile noire (c’est le costume traditionnel de Taquile pour les femmes) s’approche de nous. Elle a une voix toute douce et surtout non agressive. Elle posera la question : « Vous souhaitez dormir cette nuit sur Taquile ? » Elle l’a probablement deviné grâce à nos sacs de couchage pendouillants à nos sacs à dos. Nous ne réfléchissions pas une seconde, la réponse est « OUI ». Elle se présente, elle s’appelle Inès et nous propose de venir chez elle. Ce fut la seule personne à être venu nous voir sur le quai pour nous proposer de nous héberger. De toute façon, elles n’étaient que quatre femmes à nous attendre. Nous sommes donc agréablement surpris, on dirait une organisation interne pour accueillir les voyageurs. Christian avait raison et Taquile nous intrigue de plus en plus.

Isla Taquile

Montée avec Inès, notre hôte

Après un almuerzo dans un restaurant communautaire (une délicieuse truite blanche du Titicaca à la plancha, nous en salivons encore) où vous l’aurez deviné, des familles se relayent pour cuisiner, nous quittons notre petit groupe du matin pour suivre notre hôte chez elle. Elle est assez réservée et notre marche se fera en silence, en coupant à travers champs. Nous lisons cependant une joie sur son visage de nous accueillir. C’est donc tout sourire que nous sortons des sentiers principaux et que nous ouvrons la porte de notre chambre. Inès scrute nos visages à ce moment là. Elle aimerait tellement nous faire plaisir.

Chez l'habitant Isla Taquile

Je ne sais pas à quoi nous nous attendions en dormant sur l’île… une étable ? une de ces pièces misérables du Sud Lipez ?… en tout cas la découverte de notre chambre est une véritable surprise. Nous sommes satisfaits, la chambre est douillette. Inès a placé deux beaux lits en bois et les draps sont impeccables. Elle a aussi songé à accrocher ses tissages aux murs pour décorer la pièce. Nous posons nos sacs à terre en la remerciant chaleureusement. Elle demande l’air inquiète si cela nous convient. Nous la rassurons ce sera parfait.

Notre chambre ressemble à beaucoup d’autres de l’île et des campagnes de l’Altiplano andin en général. Les murs sont en terre séchée mélangée à de la paille (ici on dit de « l’adobe »). Pas de crépis d’une autre couleur mais un simple lissage de la terre à l’intérieur des pièces. Le toit est en tôle ondulée et c’est tout. Sur le sol en terre, notre famille d’accueil a reparti de la paille pour plus de confort. Le mobilier est simple : deux lits et une chaise en plastique en guise de table de chevet. Pas de réel éclairage étant donné que l’électricité fournie à la famille n’arrive que par un mini panneau solaire. Nous n’aurons qu’une petite lampe à led accrochée au mur par un raccordement incertain. Cela nous suffira pour nous orienter dans le noir mais en aucun cas pour une longue lecture.

La maison d'Inès

La maison d'Inès, notre chambre est tout à droite, mitoyenne à celle de la famille

Ce type de logement peut vous paraître sommaire – et il l’était – mais il nous a entièrement satisfait. Nous nous sentions mieux ici que dans certaine auberge ! La température intérieure est même très bonne. Nous sentons les effets bénéfiques des briques de terre accumulant la chaleur du soleil ; à 20h, dehors il fait très froid mais en posant nos mains sur le mur contre le lit, nous sentons de la chaleur. Assez bluffant comme matériau !

Isla Taquile

Nous partons randonner sur l’île toute l’après-midi pour rejoindre une des extrémités les plus éloignées. Inès toujours prête à nous aider nous propose de nous emmener sur le bon sentier en passant par l’école, elle est maman de deux petites filles et devra aller les chercher. En sortant de sa maison, nous apercevons notre groupe quittant la place pour rejoindre le port côté sud ; ils ont quarante cinq minute de marche. Le bateau les attend pour 14h30, nous ne sommes arrivés que depuis 11h30. Nous sommes interloqués, que vont-ils voir de Taquile en faisant simplement la montée et la descente depuis les deux ports ? Nous leur tournons le dos pour profiter des sentiers de Taquile.

Nous marcherons trois heures aller-retour pour la première extrémités et le lendemain matin deux heures aller-retour pour la seconde opposée. Taquile a beau être petite, six heures sont nécessaire pour la parcourir un temps soit peu !

Randonnée Isla Taquile

Sur le sentier côté nord

Randonnée Isla Taquile

Extrémité nord de Taquile

Vue de l'extrêmité sud de Taquile

Vue de l'extrémité sud de Taquile

Sur notre chemin, une autre facette des habitants nous est dévoilée. Où que nous soyons et à n’importe quelle heure de la journée, les habitants se saluent et pour les visiteurs c’est pareil. S’en suit donc une succession de « buenas tardes » tous les deux cent mètres. Même les enfants de quatre ans ont déjà pris le toc !

Isla Taquile

Sur le Titicaca nous avons commencé à prendre nos marques, nous savons par exemple précisément à quelle heure il faut rentrer à la maison pour ne pas finir congelés. En si haute altitude lorsque le soleil tape (et croyez nous en Juin il tape toujours, tous les jours et fort!). Le revers de la médaille à ce ciel bleu c’est que lorsque le moindre rayon se cache, il fait très froid. La grosse veste est obligatoire et le bonnet aussi car le thermomètre affiche vite zéro degré.

Foot sur Taquile

Foot improvisé sur la place du village. La couleur du bonnet masculin a une signification particulière. Blanc et rouge, c'est célibataire ; rouge c'est marié.

Ainsi à Taquile, à 17h, nous voilà déjà rentré chez nous après trois heures de marche. Inès nous avait prévu le dîner à 19h30. Il va falloir meubler le temps, d’autant plus qu’il commence déjà à faire nuit et nous n’osons pas utiliser le peu d’électricité que la famille se procure par les panneaux solaires. Nous ne regardons dans le blanc des yeux en souriant de se trouver dans cette situation. Aucun matériel électronique à notre portée et aucun gadget. Nous n’avons pas vraiment de lecture non plus. La lampe frontale installé pour y voir plus claire et nous voilà partis pour une heure trente de partie endiablée (c’est un grand mot) de « 1 000 bornes » ! Lorsqu’une des petite fille vint frapper à notre porte à 18h30 soit une heure plus tôt, ce sera notre délivrance. Le « 1 000 bornes », c’est chouette mais point trop n’en faut. Nous ne le savions pas mais à 20h nous allions renouveler ça pour trente minutes de partie, histoire de réussir à veiller jusqu’à 20h30. Ouaa ! Qu’est-ce que c’est tard !

Salon Taquile

Pièce à vivre et table du salon

Nous entrons timidement dans l’unique pièce à vivre de la famille, le salon-salle à manger-cuisine. La pièce est toute petite et toute la famille nous regarde attentivement. Heureusement les deux fillettes seront là pour rapidement briser la glace en nous harcelant de questions. Elles ont de la chance, ce soir, les visiteurs parlent espagnol. La plus grande s’essayent avec fierté aux deux phrases anglaises qu’elle a à sa connaissance. La petite de sept ans s’appelle « Nele » et la grande de onze ans « Eliana ». Elles essayent de compter en français et comprennent vite que nos deux langues ont des ressemblances. En réalité ces deux enfants parlent plusieurs langues couramment : le castillan (l’espagnol), le quechua et l’aymara. Durant notre dîner, plusieurs échanges avec leur père se feront en quechua.

Filles de Taquile

Eliana et Nele

Nous nous asseyons autour de la petite table sur des bancs en bois faits main. Les seuls ornements de la pièce sont un gros poste radio et une bouteille de Fanta de 2,5 litres que nous avons acheté à l’épicerie le soir même pour l’offrir à la famille (leur joie si sincère de recevoir ce cadeau nous a fait chaud au cœur). La lumière n’est pas plus forte que dans notre chambre mais l’ambiance n’en est que plus sereine et agréable.

Ce soir Inès nous a préparé un de ses meilleurs repas. En entrée, nous avons la traditionnelle soupe. Cette fois elle est au blé, en remplacement à l’habituel quinoa qui pousse si bien sur l’Altiplano. Il y a aussi quelques pommes de terre, (comment s’en passer?) et beaucoup d’herbes aromatiques fraîchement coupées. C’est vrai régal pour les papilles. Inès a mélangé subtilement les produits que lui offrait la terre près de chez elle pour nous offrir une soupe saine avec beaucoup de goût. En observant les filles manger presque religieusement le contenu de leur bol, nous comprenons que c’est leur repas de tous les soirs : un peu de blé et de pomme de terre, des arômes et beaucoup d’eau. Nous apprécions notre soupe à sa juste valeur, c’est à dire nourricière. Nous songeons aussi à tous ces (trop) gros repas pris le soir sur Paris ou ailleurs.

Pour la suite du repas Inès nous sert – les invités en premier – une spécialité péruvienne : un picante de carne… sans carne (viande). Le plat est un ragoût de pomme de terre assez épicé accompagné de riz et en temps normal du bœuf cuit à l’étouffé y est aussi ajouté. Mais ce soir nos hôtes nous offrent tout ce qu’ils peuvent. On comprend que la nourriture principale est la pomme de terre. Une phrase nous revient subitement en mémoire à propos du Pérou : « Dire que l’on est végétarien est très mal compris dans un pays où beaucoup mangent de la pomme de terre pour survivre ». En tout cas, avec ou sans viande, le plat d’Inès est excellent. Nous sommes même surpris de si bien manger alors que la cuisinière n’a seulement  que deux petites plaques type camping-gaz posées à terre.

Les deux filles se contenteront de thé en guise de plat principal infusé avec les herbes cueillies près de chez elle, la « munia ». La munia est une herbe très parfumée favorisant l’adaptation en altitude. Sur Taquile, la feuille de coca est surtout sacrée. Elle sert aux offrandes et aux salutations entre habitants : plutôt que de se faire la bise ou se serrer la main, chacun s’échange des feuilles de coca qu’ils ont toujours sur eux, rangées dans un petit sac.

Pomme de terre déshydraté

Fabrication de la pomme de terre déshydratée : il faut les écraser à la tombée de la nuit pour laisser les patates geler toute la nuit et le lendemain extraire l'eau. Ainsi de suite.

Le repas durera près d’une heure trente, Inès est discrète mais son mari Felipe est très bavard et curieux. Comme nous le sommes nous aussi, il finit par nous raconter la vie en détail de sa famille et de habitants de l’île. Tous sont agriculteurs et travaillent dur chaque jour pour produire les aliments qu’ils auront dans leurs assiettes, pomme de terre, maïs, blé, quinoa et une graine verte, genre gros haricot blanc dont je ne me souviens plus du nom. La production n’est là que pour nourrir la famille, ni plus ni moins. Les femmes tissent aussi dès qu’elles ont du temps libre et les jeunes enfants commencent dès leur plus jeune âge. Les tissages de Taquile sont parmi les plus beaux du continent Américain. Certaines pièces prennent plusieurs mois de travail et nous n’avons malheureusement pas les moyens de nous en offrir (en moyenne à 100 euro). Inès nous fera un petit cour de tissage le lendemain matin après le petit déjeuner, et Felipe nous expliquera la signification des symboles, les mêmes reproduits depuis des dizaines de générations sur les étoffes.

tissage de Taquile

Tissage de Taquile

tissage de Taquile

Tissage de Taquile

Construction d'une maison sur Taquile

Felipe nous montrera comment il construit l'extension de sa maison.Voici le chantier.

Felipe nous confie que Taquile vit beaucoup du tourisme… Il baisse soudainement la tête, les yeux brillants et les larmes prêtes à couler. Notre cœur se serre.

« Ce soir vous n’êtes que quatre à dormir sur notre île ».

Nous sommes sous le choc. Quatre ?? Parmi les (au moins) deux cent cinquante touristes ayant traversés l’île ?? Felipe continue.

« La majorité des voyageurs venant sur Taquile monte jusqu’à la place principale, déjeune puis repart au port Sud. Mais qu’ont ils vu de Taquile ? » Il s’énerve doucement. « Cette île où j’habite est bien plus grande que ce qu’ils voient ! Il y a de belle chose à voir… ». Nous repensons à notre groupe sur le départ ce midi au loin. Nous sommes dans l’incompréhension la plus totale et touchés par la réaction sincère de Felipe. Chaque jour des voyageurs posent les pieds sur Taquile sous son nez, sans dépenser le moindre centime (dans notre groupe nous n’avons été que six à manger au restaurant communautaire) et en ne souhaitant pas découvrir un peu plus son île. Ces voyageurs n’aident pas la population à vivre plus correctement, ils profitent simplement de l’emplacement de Taquile sans en comprendre le fonctionnement.

Lors de nos ballades, nous avons pu observer un mode de vie très ancien, intimement lié à ce que la terre produira ou pas, les croyance en la Pachamama sont encore très forte (Terre Mère). Les conditions sont difficiles et les produits sont extraits avec des moyens que l’on ne suppose pas ; les hommes retournent encore la terre à la bêche et portent sur leur dos pendant des heures jusqu’à soixante kilos (les femmes trente). Dans leur maison, pour une majorité, il n’y a que le strict minimum et même pas l’eau courante.

Femme sur Taquile

Les femmes travaillent aux côtés de leur mari, souvent avec leur bébé dans le dos

Felipe, les yeux dans le vagues, continue plus calmement.

« Tous les jours, je les vois au loin défiler, défiler, défiler… sans venir parler avec aucun des habitants d’ici. Et ce soir, nous sommes vraiment très très heureux moi et ma famille de vous avoir avec nous : nous mangeons en famille. »

Les filles sourient, elles sont toute excitées d’avoir deux petits français à leur table.

Fille Taquile

« Même notre président s’en fout de nous ! Ils nous a oublié… »

Silence.

Nous ne savons pas comment réagir. Nous nous contenterons de baisser la tête, gênés.

Isla Taquile

Le lendemain après un adieu chaleureux, nous rejoindrons ces centaines de voyageurs évoqués la veille, l’appareil photo près à mitrailler chaque recoin de la place du village et chaque habitant dans leurs costumes traditionnels, sans même frôler ne serait-ce que un dixième de la beauté de l’île et de la gentillesse si particulière et sincère de ses habitants.

 

Isla Taquile

Vue de la place du village, Isla del Sol au loin

Taquile est un monde à part. Nous ne sortirons pas indemne de cette rencontre avec la famille de Felipe.

Contactez nous pour obtenir leur coordonnées si vous le souhaitez : Inès se rend de temps à temps à Puno pour relever ses mails et se fera une joie de vous accueillir.

Isla Taquile

Inès et Felipe. Ce costume est mis à chaque fois qu'ils sortent de leur maison, non pas pour le plaisir des touristes, mais parce que c'est ainsi. Et tous les habitants de l'île font de même.

 

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déjà 5 commentaire, réagissez à ceux ci ou commentez vous aussi à “Isla Taquile”

  1. jacky dit :

    Une fois de plus nous sommes très touchés par votre approche du voyage et de la découverte de l’ile de Taquille…..nous espérons que cet article sera lu par la majorité de vos « fans »…. on ne reste pas insensible a ces scénes de vie….pour francine et moi la vie quotidienne au Vienam durant 6 semaines a modifié a jamais notre approche du voyage ….

    Merci encore et bisous
    Jacky Francine

  2. francine dit :

    à travers vos expériences , vos aventures , nous découvrons et partageons le vrai sens du voyage , aller à la rencontre des gens , c’est tres enrichissant , c’est super !
    à tres bientot pour de nouvelles aventures …

  3. Olivia dit :

    C’est avec une larme au coin de l’oeil et une boule dans la gorge que j’ai lu votre article. Vous avez une bien belle manière de raconter vos aventures. Comment ne pas être touchée et émue par une telle rencontre et comment ne pas se sentir honteux de voir le comportement de nous tous touriste, cela fait réfléchir… Un grand merci à vous de nous faire partager vos émotions et vos découvertes

    • Merci à tous ces commentaires qui nous touchent beaucoup (Olivia, Francine et Jacky). En écrivant cet article, je ne voulais pas faire une leçon de vie. Force est de constater que ce séjour m’a tellement touché au point que mes mots sont sortis tout seul. Comment être insensible à la colère d’un habitant qui nous héberge si gentillement chez lui ?

      En réalité je voulais surtout vous présenter comment la vie s’organisait sur Taquile… une vie totalement différente de la notre. Le voyage est enrichissant en cela aussi, lorsque nous, voyageurs nous nous laissons porter par une autre culture et une manière de raisonner très opposée. Nous avons appris beaucoup de chose par Felipe, avec un coup de pouce de Christian ayant vécu sur l’île. Je n’ai malheureusement pu vous faire qu’un résumé sur les habitants de Taquile, sinon l’article aurait été trop long… N’hésitez pas à nous poser des question si vous vous en savoir plus.

      Bisous à tous

      • Fabien dit :

        Sur les îles du lac Titicaca, nous avons eu le plaisir de ne jamais avoir de pain au petit déjeuner ! Les habitants n’achètent pas beaucoup de pain apparemment et dans les rares petites épiceries (où l’on trouve essentiellement : eau, bonbon, café en poudre, soda et biscuit), il y a très peu de pain. Il deviendrait trop vite rassi…

        Nous avons donc eu…
        des crêpes maison tous les matins !!

        Du lait, un peu de farine, des œufs, du sucre, c’est bien plus simple que d’aller chercher son pain à 6h du matin qui serait de toute façon rassis.

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