Accrochée à ma mémoire

Il y a des villes qui parlent plus dans l’imaginaire collectif : Parie, Londres, Venise, Pékin, New York… San Francisco ; dessinée, filmée, chantée, idolâtrée même par certains, « la plus Européenne des villes Américaines » n’en finissait pas de nous faire nous poser des questions : à quoi s’attendre? Quelle est la taille de la ville, quelle sont les personnes que nous allons croiser? N’en attend-t-on pas trop de cette cité déjà pré-imprimée dans nos esprits?

Après nos aventures de l’après-midi, et la réparation de pneu en catastrophe chez un mexicano, nous étions finalement parvenus sans encombres dans la ville portuaire. L’air était frais, et c’était la première fois depuis le Pérou que je devais enfiler un pull (et la dernière avant l’Australie!). Notre logement en auberge de jeunesse, parfaitement située dans Fort Mason, un lieu hautement historique de la ville (une colline de défense de la ville), à quelques pas des wharf (le port et les quais touristiques), du centre ville, est dotée d’une vue imprenable sur le Golden Gate.

Le golden Gate, à notre arrivée

Le golden Gate depuis Fort Mason, à notre arrivée

Le Golden Gate. Dans la liste des ponts les plus connus au monde, le Golden Gate doit être très très bien situé, avec sa robe orange et se deux immense piliers. Je l’avais déjà vu mille fois dans des films, clips vidéos, séries, jeux vidéos ou que sais-je encore, il était identique à ces représentations, comme épinglé au mur de ces souvenirs pré-conçus, s’étendant au loin dans la soirée tombante. je le fixais une minute, perdu dans mes pensées.

Allons manger!

Les quais de San Francisco commencent avec une plage, où les enfants jouent et les plus courageux se baignent dans une eau qui se révèle fraiche, entre deux bateaux du musée maritime de Hyde Street Pier tout proche. Nous n’avions pas prévu d’y aller, mais notre abonnement aux parc nationaux nous permet d’y aller, alors, pourquoi pas? De beaux bateaux nous tendent les bras, en particulier le Balclutha, et nous le visitions afin de découvrir son histoire, passionnante entre ses différents voyages et ses différentes évolutions. D’autres, de tailles plus modestes, retracent une partie de l’histoire de la navigation locale.

Hyde St Pier

Quelques uns des bateaux du Parc national

A l'intérieur du Balclutha

A l'intérieur du Balclutha

SF Vue du pont du Balclutha

SF Vue du pont du Balclutha

Le Golden Gate vu du même pont

Le Golden Gate vu du même pont

Ainsi que la mythique prison d'Alcatraz

Ainsi que la mythique prison d'Alcatraz

D'autres bateaux

D'autres bateaux

La matinée passera plus vite que prévue dans ce parc, et en sortant nous nous dirigeons vers le Pier 39, où, depuis plus de vingt ans maintenant, s’amusent… des lions de mer! Une demie-surprise, certes, car les animaux sont connus pour s’ébattre ici, mais quand même, nous en revoyons avec plaisir, ceux de la péninsule Valdes étaient beaucoup plus éloignés. Un doute m’habitait tout de même et je ne pouvais m’empêcher de penser qu’ils étaient plus ou moins captifs ici, ce qui s’avéra être une erreur : plusieurs points d’accès leurs permettent de rejoindre l’océan et la liberté. Enfin les imposants mammifères jouaient, nous observions, un temps, la faune locale.

Pier 39

le Pier 39 et ses animaux

Les lions de merIl était temps d’étudier la carte de San Francisco pour voir la suite du programme ; la ville, après avoir un peu circulé à l’intérieur, n’était finalement pas si grande, même plutôt petite en comparaison de la gigantesque Los Angeles, ou de New York (comprenez : en une journée de marche on peut la traverser), mais que faire dans cette ville toute en collines? La tentation du Cable Car est grande, ces véhicules si typiques de la ville, sortes de tramways sans câbles électriques (ni moteurs apparents, mais comment font-ils?) arpentant les rues, gravissant les pentes raides de la ville, sur trois lignes utilisés par les locaux… mais surtout par les touristes!

Les Cable Cars

Les Cable Cars

Alors nous voici en route pour Union Square, (beaucoup) plus au sud, à bord de la ligne Powell-Mason (une ligne avec un axe nord-sud), entourés d’autres personnes de nationalités différentes. Ici, on charge les passagers de partout : sur les sièges à l’intérieur, bien sur, mais aussi debout, à l’intérieur, assis autour du chauffeur (sur des sièges quand même), et… debout, accrochés sur les plates-formes au bord du véhicule! On se sent… tassés! Pas terrible pour une première expérience! Si c’est pour se sentir comme dans le métro aux heures de pointe, non merci (bon, j’exagère, on en était quand même loin)!

Un peu tassés dans ces voitures!

Un peu tassés dans ces voitures!

En moins de temps qu’il en faut, le Cable Car nous a déposé, et nous voici à explorer le quartier chic de San Francisco, faire le tour du square (qui ne m’a pas plus emballée que ça, une grande place moderne), aller dans les rues adjacentes, comme Maiden Lane, une toute petite rue autrefois mal-famée devenue l’antre des boutiques chic, et la rue d’à côté, avec une réputation égale… et un destin plus ou moins identique : les théâtres aux spectacles interdits aux mineurs sont maintenants recyclés en boutiques interdites aux infortunés.

Union Square

Union Square

Maiden Lane

Maiden Lane

La marche, depuis le matin, a usé les pieds de chacun, et après une pause sur des escaliers de la place, nous reprenons la route. Le plan initial était de rentrer à l’auberge, se reposer et repartir, mais l’heure n’aidant pas, la phase repos en chambre fut supprimée, agréablement remplacée par un quartier si commun mais qui ici revêt un aspect tout particulier : Chinatown. Particulier pour plusieurs raisons : tout d’abord, il est ici au centre historique de la ville, et non pas à la périphérie, comme dans tant d’autres villes, car les Chinois ont joué un rôle important dans le développement de la ville, et sont venus en masse ici, avant que les autorités ne souhaitent les déloger (ce qu’il ne parviendront pas à faire). Cela se ressent dans tous les aspects de la vie quotidienne des habitants, dont bon nombre sont asiatiques : les annonces officielles, contrairement à Los Angeles où l’espagnol est la seconde langue, se font en anglais d’abord, puis en chinois. Il est aussi important pour nous… pour une autre raison : moins de deux semaines après, ce n’est plus Chinatown que nous visiterions, mais China tout court. Dans deux semaines déjà. Tout est passé si vite…

La porte d'entrée de Chinatown

La porte d'entrée de Chinatown

Nous marchons donc dans ces rues de San Francisco, et pourtant une personne qui débarquerait sans le savoir jurerait être en Asie (la chaleur en moins), les immeubles ont des toits traditionnels de Chine, les marchandises vendues ne viennent pas de ce continent mais de celui d’en face, les cartes de restaurants et panneaux de rues sont en chinois mais pas toujours en anglais, les locaux parlent en chinois, mais pas toujours en anglais! Une vraie plongée par anticipation dans cet univers inconnu…

Les toits de Chinatown

Les toits de Chinatown

Après un restaurant (asiatique, il va sans dire…), nous reprenons une deuxième ligne de Cable Car, que nous pouvons entendre venir de loin : les véhicules sont tractés par une chaine sous la rue, entrainée par un moteur éloigné, et le chauffeur ne contrôle que les freins! Silencieux, mais qui sent parfois le frein brûlé!

Il existe trois ligne de Cable Car toujours actives à SF

Il existe trois ligne de Cable Car toujours actives à SF

Le lendemain, à l’aube, je suis réveillé par des bruits réguliers et assez fort venante l’extérieur : des cornes de brume sonnent à intervalles réguliers, on retrouve Jacky et Francine comme les autres jours au café de l’auberge pour le petit-déjeuner. Je découvre assez vite que je ne suis pas seul la tête dans les nuages ce matin : le Golden Gate aussi ne semble pas disposé à se montrer, et la fenêtre ne nous montrera qu’une marée de nuages bas. Peu importe, de toute façon ça n’était pas notre objectif du jour ; non, aujourd’hui ce sont les quartiers historiques de la ville de Castro et Haight, Nous prenons donc un bus pour l’extrême sud de la ville, au delà de nos cartes, direction le quartier gay et lesbien (Castro), un sympathique lieu aux fresques murales et drapeaux arc en ciel, avec les maisons courantes à San Francisco, qu’on reconnaitrait entre mille! Nous avons eu en revanche une rencontre assez étrange au détour d’une rue, avec des hommes fort nus, ce qui n’avait pas l’air de les déranger (eux) outre mesure! (La pudeur nous empêche de mettre les photos sur ce site!).

Des maisons de Castro

D'autres maisons de Castro

Peintures murales naïves

Peintures murales naïves

Women's building à Castro

Women's building à Castro

Après cette rencontre pour le moins surprenante, nous prenons un fantastique tramway qu’on aurait pu penser sortir d’un trou spatio-temporel, tant il respire les années 50-60, pour nous rendre dans un quartier que Francine voulait ab-so-lu-ment voir, celui-ci étant lié à tout un tas de souvenirs personnels de sa jeunesse : haight street, où sont nés les premiers mouvements hippies qui se sont ensuite propagés à travers le monde. Curieusement, de nombreux médecins « par les plantes » se sont intégrés dans le quartier, visiblement avec succès, et tout autant de botanistes qui donnent conseils pour l’entretien des « plantes », fumées pour se détendre soigner, bien sûr. Des bars, boutiques souvenirs et restaurants branchés sont bien évidemment venus s’implanter aussi, attirés par les touristes toujours plus nombreux.

Retour vers le futur

Retour vers le futur

Un "smoke store"

Un "smoke store" (une des nombreuses boutiques spécialisées du quartier)

Ici aussi les maisons sont typiques de l’architecture locale, de grandes maisons étroites, en bois, peint d’une couleur pastel, sur deux à trois étages, avec une fenêtre proéminente, mais elles sont plus cosy, plus travaillées : on sent que le quartier est resté hippie, mais plus bobo qu’avant…

des maisons de Haight St.

D'autres maisons de Haight St.Alors que nous arrivions au bout de la rue, devant l’immense parc du Golden Gate (qui, contrairement à ce qu’on pense n’est pas relié au pont éponyme, une réponse à la blague de la rue Montmartre à Paris, qui ne va pas à la butte du même nom!), les avis divergent sur la suite du parcours : je souhaite voir un endroit particulier, et Jacky, Francine et Elodie, eux souhaitent se reposer et vaquer à d’autres occupation à l’auberge (comme une lessive… ça fait aussi partie du quotidien des voyageurs!). Pour ma part, je retourne sur Haight Street, puis retourne vers le sud, en direction du numéro 3841, 18th Street. La se trouve une maison un peu particulière, accrochée à la colline, on y vient à pieds, on ne frappe pas, ceux qui vivent la ont jeté la clé (enfin, c’est ce que dit la chanson)… La maison bleue de Maxime Le Forestier existe bien, je l’apprenais l’année précédente en travaillant sur un documentaire consacré à l’artiste, et il fallait absolument que je la voie de mes yeux, ce que je m’employai à faire.

LA "maison bleue" de Le Forestier

LA "maison bleue" de Le Forestier

Plus tard, nous partons pour une rue emblématique de la ville : Lombard Street. Son nom ne vous dit peut-être rien, mais vous l’avez sans doute déjà vue : cette rue très pentue, aux neufs virages successifs bourrés de charmants terre-plains fleuris, empruntée chaque minute par des dizaines de voitures touristiques… Mais je crois que des images parleront plus qu’une description…

Lombard Street

Vue d'en bas de Lombard Street

Vue d'en bas de Lombard Street

Après une soirée passée à pourchasser un « sac à souvenir » (la version toudumondiste du « sac à sapin ») et un repas dans le quartier italien, le réveil fut difficile, et assez brutal : le son des cornes de brume n’avait pas cessé ; le Golden Gate devait être enseveli sous le brouillard, ce qui se révéla exact quand nous regardâmes par la fenêtre du café. Nageant dans le brouillard, la visite du pont fut tout de même très belle, ce dernier jouant avec la brume pour apparaitre et disparaitre au gré du vent.

Le Golden Gate, ce cachotier…

Le Golden Gate, ce cachotier…

Voila un tête!

Entrée dans la brume

Entrée dans la brume…

Ce pont immense et élégant, travaillé à l’extrême, nous passions en dessous dans un premier temps, espérant que la brume se dissiperait avec le temps, puis allions dessus. Quelle étrange sensation, renforcée par la météo, de se voir propulsés dans ce lieu que nous connaissions déjà si bien au travers des multiples écrans auxquels nous sommes confrontés chaque jour!

Un peu plus tard

Un peu plus tard…

Les lampadaires d'époque

Les lampadaires "d'époque"

Dessus, on se sent ridiculement petits, la hauteur des piliers est impressionnante, du bas on n’en voit plus le haut! Au final, nous avons passés des heures à mitrailler (à l’appareil photo, hein), filmer, détailler le pont sous toutes ses coutures… dans la limite des caprices du temps! Car depuis lors, jamais nous n’aurons le Golden Gate entier sur nos photos, il sera toujours masqué en partie!

On se sent tout petits…

On se sent tout petits…

Un pont dans le vague

Un pont dans le vague

Nous continuerons la journée en voulant faire une croisière dans la baie, détailler le pont vu d’en dessous, voir la ville de plus loin, admirer ses bateaux, voir la fameuse prison d’Alcatraz, avant d’être arrêtés par une Élodie en pleurs : elle a perdu son portefeuille, contenant argent et carte bancaire! Catastrophe!  Après discussion, nous décidons donc de retourner à l’auberge et de faire les démarches administratives nécessaires au blocage de la carte Gold (opération très simple d’ailleurs, trop sans doute), payer par carte – même volée – aux Etats-Unis étant d’une simplicité enfantine. La démarche faite, et par pure curiosité nous demandons à l’auberge si elle peut appeler le service objets trouvés du parc du Golden Gate (le pont étant classé). La jeune femme se démènera pour les contacter et nous annoncer que oui, la police locale l’a entre les mains! Nous filons donc, et après avoir récupéré le portefeuille intact, avec en cadeau ses cent dollars en cash intacts à l’intérieur, nous aurons droit au clin d’oeil du policier : « Vous êtes étonnés? Il n’y a pas de voleur en Amérique! » Sur cette note positive, nous filons manger chez Mel’s, un authentique « dinner » des années 50, avec juke box, chansons d’Elvis en fond sonore, serveuses en rose, photos vintage sur les murs, banquettes moelleuses et burgers gigantesques!

Mel's

Mel's

Un diner chez Mel's

Un diner chez Mel's

La musique vient d'ici!

La musique vient d'ici!

Au final, San Francisco restera accrochée à nos mémoires mais n’est pas une ville qui étonne : on la connait déjà si bien, il est étrange de s’y retrouver plongé, de découvrir ces centaines de résidences toutes pareilles mais toutes différentes à la fois, de (re)découvrir ces lieux magiques évoqués mille fois, d’être dans cette ambiance plus guindée que le reste des villes Américaines tout en étant décontractée à sa manière, avec un climat tout à fait différent de tous les autres lieux que nous aurons visité aux États-Unis, donnant une touche réellement européenne à son atmosphère, si agréable pour nous qui sommes partis depuis bientôt six mois… déjà…

Be Sociable, Share!

Répondre

See also: